Une prime verte pour relancer l'automobile made in France?
Les contours d'un mécanisme de soutien à l'industrie automobile française se dessinent peu à peu. Durement touché par la crise du coronavirus avec des ventes en chute libre ces deux derniers mois dans le pays et une activité paralysée, le secteur devrait bénéficier d'un soutien public, comme l'a confirmé le ministre de l'Economie et des Finances, Bruno Le Maire, ce vendredi matin sur Cnews.
"Nous sommes prêts à soutenir la demande automobile mais ce sera un soutien pour des véhicules verts qui émettent le moins de CO2, en particulier les véhicules électriques", a tweeté le ministre, relayant son intervention du jour.
Un peu plus tôt dans la semaine, il avait également conditionné ce soutien à une amélioration de la compétitivité de l'industrie française et à des relocalisations.
"Je pense que l'industrie automobile française a trop délocalisé. Elle doit pouvoir relocaliser certaines productions et c'est l'équilibre entre ces trois orientations qui doit nous permettre d'avoir une industrie automobile plus forte à la sortie de la crise", avait-il exprimé sur BFM Business.
Alors que le ministre de l'Economie devait rencontrer ce vendredi les représentants des constructeur automobiles et des autres acteurs de la filière, cette idée d'une prime "verte et patriote" semble donc faire son chemin.
D'autant que les constructeurs automobiles français, ce sont montrés plutôt favorables au maintien de dispositifs incitatifs à des véhicules qui émettent peu de CO2, estimant avoir fait les efforts nécessaires pour en proposer, à la fois aux particuliers et aux entreprises. Et de quasiment rejeter la mise en place de subventions massives à l'achat, comme la prime à la casse mise en place en 2008, susceptible de "droguer" le marché.
"Nous ne sommes pas particulièrement demandeurs de mesures qui conduiraient à tordre le marché dans un sens, qui à la fin seraient néfastes pour l'industrie à moyen terme", a même indiqué le directeur de Peugeot, Jean-Philippe Imparato, lundi dernier sur BFM Business.
Un "plan industriel" réaliste pour certains
Un double objectif, made in France et environnemental, qui pourrait permettre d'accélérer la transition de l'industrie automobile, selon Hervé Guyot, du cabinet Oliver Wyman. Dans une interview accordé à L'Usine Nouvelle, cet ex-dirigeant de l'équipementier Faurecia revient sur son rapport "sur la compétitivité de l’industrie automobile en France et la relation donneurs d’ordre et sous-traitants" remis au gouvernement fin mars et pas encore publié.
Pour lui, au-delà de la production de SUV et d'utilitaires, ainsi que de moteurs ou boîtes de vitesse dédiés aux motorisations thermiques, qui sont actuellement des points forts de l'industrie automobile française, il faut absolument miser sur ce décollage annoncé de l'électrique.
"La France bénéficie d’une opportunité majeure, qui consiste à tirer parti de l’électrification et de la digitalisation en cours des véhicules. D’ici à 2030, on estime que 20 à 30% des véhicules vendus seront à batterie électrique", souligne-t-il au magazine spécialisé, insistant sur l'intérêt de bâtir une véritable filière à l'échelle du pays et de l'Europe, pour la production de batteries notamment.
Car pour le moment, la tendance n'est pas forcément au "made in France" toutes motorisations confondues, avec trois des principales ventes (Peugeot 208, Renault Clio et Citroën C3) qui ne sont pas assemblées dans l'Hexagone, bien que de marques françaises.
Si on se concentre sur les voitures 100% électriques, une seule voiture du top 3 des ventes de ce début d'année était produite en France: la Renault Zoé. Dommage pour le SUV Peugeot 2008, fraîchement renouvelé avec la possibilité d'opter pour une version 100% électrique, mais dont la production est désormais assurée à Vigo en Espagne.
Une Peugeot 208 en voie de rapatriement?
Toutefois, la crise actuelle et un éventuel soutien massif à l'électrique pourraient rebattre ces cartes industrielles.
Avec des niveaux de ventes importants, "on peut considérer qu’il sera plus rentable de disposer de chaînes de production dédiées au véhicule électrique, et non plus produire les véhicules électriques sur les mêmes chaînes de production que les versions thermiques, comme ce que fait par exemple actuellement le groupe PSA", souligne Hervé Guyot à L'Usine Nouvelle.
Il cite notamment le cas de la Peugeot 208, assemblée au Maroc et en Slovénie, que ce soit en version thermique ou électrique, à l'instar du SUV 2008.
"Sur les véhicules électriques, la part de la main d’œuvre est plus faible et le temps d’assemblage réduit par rapport au thermique. Par conséquent, les écarts relatifs de compétitivité qui pèsent sur les marges sont moins importants. C’est pourquoi il faut absolument localiser l’intégralité des véhicules électriques en France."
Une plus grande compétitivité sur des véhicules moins émetteurs de CO2 et de polluants, deux axes du plan de soutien évoqué par Bruno Le Maire, ce qui pourrait donc coïncider avec l'objectif de relocaliser une partie de la production automobile en France.
Si on suit ce schéma, la e-208 pourrait être produite dans un site français de PSA, profitant ainsi du soutien public, laissant à Kénitra au Maroc et Trnava en Slovaquie l'assemblage des versions thermiques toujours très populaires. Un "modèle à suivre" existe d'ailleurs déjà au sein du groupe PSA, le DS3 Crossback, est ainsi assemblé à Poissy (Yvelines), aussi bien en thermique qu'en 100% électrique.