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Sécurité routière: "Un joint équivaut à un taux de 0,5 gramme dans le sang"

La sécurité routière passe à l'offensive sur le problème de la conduite sous l'emprise de stupéfiants, le cannabis en particulier. Le psychologue spécialisé dans l'automobile Jean-Pascal Assailly revient sur une pratique banalisée et impliquée dans près d'un accident mortel sur quatre.

Comment juger vous cette campagne de la sécurité routière ciblée sur la conduite sous l'emprise de stupéfiants?

Jean-Pascal Assailly - Sur la question du dépistage, il y a un réel progrès. Traditionnellement, on dépistait la présence de stupéfiants dans l'urine et le sang or ce sont de mauvais indicateurs pour identifier une consommation récente. Dans le cadre de la sécurité routière, l'objectif n'est pas de savoir s'il y a eu consommation il y a plusieurs jours mais bien de savoir s'il y a une perturbation potentielle de la conduite et donc si l'automobiliste a fumé un joint dans les heures avant d'avoir pris le volant. C'est ce que permet le nouveau test salivaire qui va être généralisé dans les prochaines semaines. Test qui a en outre l'avantage de ne plus nécessiter de déplacement dans un centre hospitalier mais peut se faire directement sur le bord de la route.
Il est aussi important de faire de la prévention, surtout pour les jeunes, principaux concernés par cette pratique. Dans leur esprit, l'alcool est réprimé mais pas les drogues, ce qui génère un sentiment d'impunité.

Quels sont les principaux dangers liés à la conduite sous stupéfiants?

En tant que drogue la plus consommée en France et qu'on retrouve donc logiquement le plus souvent chez les automobilistes, le cannabis va notamment altérer les aspects inconscients de la conduite, les gestes automatisés. C'est le cas notamment pour la gestion de la distance qu'on laisse entre sa voiture et le trottoir qui est gérée par notre œil et le cerveau, sans avoir à y penser. Et comme ce sont des comportements intériorisés, il est très dur de se rendre compte de la différence avec une conduite dans un état normal et c'est pourtant là que l'on va constater le plus de négligences. Le cannabis va également favoriser la somnolence sur les longs trajets monotones. Il faut avoir en tête qu'un joint fumé avant de conduire c'est équivalent à un taux de 0,5 gramme d'alcool dans le sang (pour rappel, le taux légal est de 0,5 g/l de sang et de 0,2g/l pour les permis probatoires, Ndlr). 
On observe également dans de nombreux cas des mélanges entre consommation d'alcool et de cannabis ce qui est particulièrement dangereux. Les effets de l'un vont en effet amplifier ceux de l'autre et c'est là qu'on observe les comportements les plus déjantés, comme la prise d'un autoroute à contresens par exemple.

Que dire à un consommateur de cannabis qui explique ne pas ressentir d'effets particuliers au volant?

Ce comportement n'est absolument pas spécifique aux consommateurs de drogues. On observe la même réaction chez les adeptes de la vitesse excessive ou du téléphone au volant. C'est un phénomène de dissonance cognitive où la personne en tort va essayer de se dédouaner: on trouve toujours une bonne raison à son défaut et son addiction et on préfère critiquer les autres. 

Julien Bonnet