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Retour (ou pas) à 90km/h: à quelle vitesse faut-il rouler pour limiter sa consommation?

Quelle limitation adéquate pour limiter sa consommation?

Quelle limitation adéquate pour limiter sa consommation? - DR

Le débat sur la limitation de vitesse adéquate bat son plein en France mais aussi en Europe. Mais existe-t-il une vitesse idéale pour limiter sa consommation et donc ses émissions de CO2 et de polluants?

Rouler vite, est-ce vraiment trop polluant? Une question au coeur de l'actualité, en particulier en Europe. Les Pays-Bas viennent ainsi d'abaisser la vitesse limite sur autoroute pour raisons environnementales et l'absence de limitation sur certaines autoroutes allemandes est régulièrement remise en cause par les écologistes.

En France, si la mesure du passage à 80 km/h a surtout été présentée comme une mesure de sécurité routière, le gouvernement avait aussi mis en avant la réduction de la consommation et donc des émissions de gaz à effet de serre et de polluants

Mais qu'en est-il réellement? Et finalement, à quelle vitesse doit-on rouler pour optimiser sa consommation, et donc limiter ses émissions?

"La consommation d'une voiture va varier en fonction de trois éléments principaux: le poids - plus la voiture est lourde plus elle consomme-, sa forme -si le véhicule est haut et avec une forme peu aérodynamique la consommation sera logiquement élevée-, et la vitesse", explique David Deregnaucourt, directeur général de Spheretech, entreprise spécialisée dans les diagnostics moteurs.

"La vitesse idéale pour optimiser sa consommation c'est zéro!", plaisante de son côté un expert-moteur d'un grand constructeur automobile européen, avant de rentrer rapidement dans le vif du sujet:

"En vitesse stabilisée, sur autoroute par exemple c'est l'aérodynamique de la voiture qui va jouer principalement sur la consommation. En ville, en revanche, c'est l'accélération et donc la masse de la voiture qui va l'influencer."

Rouler 90 kilomètres à 30km/h ou à 90km/h?

On peut alors se demander si, en termes de consommation et donc de pollution générée, il vaut mieux parcourir 90 kilomètres à 30km/h, et donc pendant 3 heures, ou à 90 km/h, donc en une heure. Notre expert-moteur qui souhaite garder l'anonymat peut répondre, en précisant bien que nous raisonnons ici avec une vitesse stabilisée, c'est à dire qui ne prend pas en compte la consommation générée par l'accélération pour atteindre cette vitesse:

"A 30km/h, un véhicule de segment B diesel moyen comme une Renault Clio ou une Peugeot 208 consomme 2,7 litres aux 100 kilomètres d'après nos statistiques réalisées à partir d'essais en conditions réelles. A 90 km/h, il consommera 3,7 litres aux 100 kilomètres. Ramenée à notre distance [90 kilomètres, ndlr], le véhicule roulant à 30km/h l'emporte assez nettement avec une consommation de 2,4 litres de gazole, contre 3,3 litres pour celui roulant à 90km/h".
  • Première conclusion: pour consommer moins, il faut rouler moins vite.

Ce résultat assez logique vaut aussi sur un SUV un peu plus gros (segment C) en essence, type Renault Kadjar ou Peugeot 3008. Il faut en effet avoir en tête que le besoin en carburant augmente de façon exponentielle avec la vitesse, comme l'explique David Deregnaucourt:

"La consommation augmente suivant la vitesse au carré et donc de façon exponentielle: si à 130 km/h j'aurais un certain besoin en carburant, à 145 km/h, soit 11% de plus, j'aurai besoin de 24% d'énergie en plus. A 160 km/h, soit 23% de plus que 130, ce besoin en carburant est 51% supérieur!"

Mais pour notre expert, il faut surtout prendre en compte le régime moteur optimal, ce qui était d'ailleurs induit dans l'expérience comparative des 90 kilomètres réalisés à 30km/h, en troisième vitesse, et à 90km/h, en sixième:

"Limiter sa consommation, n'est pas seulement un problème de vitesse mais plutôt de régime moteur, poursuit David Deregnaucourt. Sur un moteur diesel, l'optimum se situe aux alentours de 1800 tours/minute. En essence, il se situe plutôt à 3000 tours/minute, 2500 pour un turbo, 3500 pour un atmosphérique."
  • Deuxième conclusion: si je roule moins vite, je consomme moins, à condition d'avoir le bon régime moteur selon que je roule en diesel ou en essence, turbo ou atmo, donc avec la bonne vitesse enclenchée.

Carburants premium et sous-régime, de bonnes idées?

Il existe également certaines astuces pour optimiser sa consommation. Si les carburants dits "premium" sont un peu plus chers à la pompe, ils présentent logiquement un intérêt en termes de performances moteur: 

"Si on utilise un carburant amélioré, boosté par un fort indice d'octane (pour l'essence) et de cétane (pour le diesel), alors le moteur sera mieux exploité, il faudra moins de carburant pour fournir le même travail (ou moins de carburant pour rouler a la même vitesse)."

En revanche, il n'est pas recommandé de rouler en sous-régime:

"Il n'y a pas beaucoup d'aspiration et donc le cylindre devient difficile à remplir. On rentre donc dans une zone de mauvais rendement qui génère des surconsommations et de l’encrassement, un phénomène similaire à celui qui occasionne le mauvais tirage dans une cheminée."

L'entretien du moteur, un point essentiel

Un moteur bien entretenu reste aussi la clé pour réduire sa consommation, et surtout le risque de surconsommer. Il faut logiquement choisir une motorisation adaptée à son usage: essence ou hybride pour des trajets urbains, peu de grandes distances, diesel pour les gros rouleurs et les longs trajets. Il convient d'ailleurs de lui faire faire un peu d'exercice, recommande David Deregnaucourt:

"Il faut rouler sur autoroute assez régulièrement pour monter dans les tours et décrasser le moteur, quelques minutes au-dessus de 3500 tours/minute en rétrogradant si besoin de deux rapports, vous ne pourrez par justifier un excès de vitesse en disant que vous étiez en train de faire faire de l'exercice à votre moteur!"

Pour les essences comme les diesels, il convient aussi de bien nettoyer ses injecteurs:

"Dans l'idéal, il faudrait réaliser une fois par an un bilan thermodynamique du moteur via un dépistage "Ecodiag", une "prise de sang" qui va permettre d'évaluer la santé du moteur, d'identifier d'éventuels problèmes qui entraînent un mauvais rendement, comme sur une chaudière. Il y a plus de 800 garages équipés en France et il faut compter sur un coût entre 20 et 30 euros".
  • Troisième conclusion de notre recherche: avec une voiture bien entretenue, je consomme moins.

Rouler à 80 ne change pas grand chose

Pour notre expert-moteur anonyme, il n'y a en tout cas pas vraiment d'intérêt à passer d'une limitation de 90km/h à 80km/h pour "raisons environnementales". Ces données montrent en effet que l'écart de consommations constaté, quel que soit le type de véhicules, reste minime, un dixième de litre économisé aux 100 kilomètres pour un SUV de segment C roulant à l'essence par exemple. 

"En passant une route de 90 à 80 km/h, on prend la partie de la consommation déjà la plus basse", explique-t-il. Sous-entendu: on réduirait bien plus la consommation en s'attaquant à la vitesse maximale sur autoroute, une prochaine étape pour un gouvernement qui souhaiterait verdir son image?

Pour sensibiliser le public à l'éco-conduite, il faudrait surtout rappeler le lien entre consommation et pollution, estime David Deregnaucourt:

"Les émissions de CO2 reflètent directement la consommation. Si j'émets peu je consomme peu: sur un modèle donné, une émission de 115 g/km par exemple, cela donnerait 4,34 litres aux 100 kilomètres. Vu comme cela, le malus pourrait alors être interprété comme une incitation à acheter des voitures qui consomment peu alors que cette taxe est souvent perçue comme une contrainte environnementale."
Julien Bonnet