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Renault Symbioz: à 130km/h sans les mains

Il y a 2 ans, Renault décidait de travailler sur une voiture conçue dès l’origine pour ne pas avoir de chauffeur. Cette semaine, nous avons pris le volant, enfin seulement de temps en temps, de Symbioz, le démonstrateur de voiture autonome de Renault.

"Les voyageurs modernes connaissent la valeur du temps", proclamait une réclame Renault dans les années 40. En 2018, ce message résume parfaitement l’ADN de la Symbioz. Cette "demo-car" est une voiture 100% autonome, qui ne renonce pourtant pas totalement au plaisir de conduite. Tout dépend des circonstances.

Avec seulement 1,44 mètres de haut, la Symbioz offre un design très effilé, presque étroit, alors qu’à l’intérieur, elle rappelle les grandes limousines type Bentley.
Avec seulement 1,44 mètres de haut, la Symbioz offre un design très effilé, presque étroit, alors qu’à l’intérieur, elle rappelle les grandes limousines type Bentley. © Renault

Mais pourquoi la Renault Symbioz?

Retour en septembre dernier. Au Salon automobile de Francfort (Allemagne), Renault dévoile "Symbioz", un concept de voiture électrique et autonome qui s’insère dans son environnement. La berline peut à la fois se brancher pour alimenter la maison en électricité, devenir une pièce à part entière du domicile comme un petit boudoir, ou être conduite, avant passer en mode autonome sur autoroute, laissant le (l’ex ?) conducteur retourner son fauteuil pour discuter avec les passagers à l’arrière, comme dans un salon. Mais à 130km/h.

Les tests sur route ouverte ont lieu sur une portion de l'autoroute A13, entre Paris et la Normandie.
Les tests sur route ouverte ont lieu sur une portion de l'autoroute A13, entre Paris et la Normandie. © BFM

Sur la version roulante de la Symbioz, Renault a pour le moment renoncé à ses sièges pivotants, en particulier pour que son véhicule conserve des dimensions raisonnables:

"Quand nous avons imaginé les sièges retournés, dos à la route, cela semblait génial", s’enthousiasme Anthony Trouble, chef de projet conduite autonome au sein du Groupe Renault. "Mais nous nous sommes vite rendus compte qu’entre la place laissée pour les jambes ou celle du dossier côté latéral lorsque le fauteuil pivote, la voiture ferait 3,50 mètres de large. Et elle ne passe pas partout."

A côté de la Symbioz salon, annoncée comme une voiture pour 2030, Renault a donc créé une Symbioz beaucoup plus réaliste, au nom de code "Symbioz demo-car". Elle fait suite à une intensification des tests chez Renault depuis 2015. Environ 6 Espace autonomes tournent déjà sur plusieurs autoroutes et routes ouvertes en France et en Allemagne.

La Symbioz que nous avons essayée marque l'étape d'après, c'est-à-dire non plus transformer des voitures existantes en voiture autonome, mais dessiner une voiture autonome à partir d'une feuille blanche.

"Nous voulions répondre à la problématique de réunir conduite réelle, conduite autonome et offre de vie à bord quand la voiture est en mode autonome", résume Mathieu Lips, directeur de projet Symbioz.

Lancé en 2015, le projet Symbioz occupe à temps plein une trentaine de personnes. Mais ce sont des chercheurs de différents départements du conducteur, qui ont en plus travaillé sur ce projet. Nissan a également apporté des briques, par exemple au niveau de la chaine de traction électrique.
Lancé en 2015, le projet Symbioz occupe à temps plein une trentaine de personnes. Mais ce sont des chercheurs de différents départements du conducteur, qui ont en plus travaillé sur ce projet. Nissan a également apporté des briques, par exemple au niveau de la chaine de traction électrique. © BFM

Le résultat: une grande berline de presque 5 mètres, entièrement pensée pour être autonome de niveau 4, selon le système de classification des niveaux d’autonomie, admis au niveau international. A ce stade, la voiture ne demande plus au conducteur de superviser en permanence la conduite. Sur autoroute, le conducteur peut totalement déconnecter, c’est le niveau "minds off" ("esprit éteint"). Il n’a plus les mains sur le volant, ni les pieds sur les pédales, il n’a plus les yeux sur la route, et encore moins l’esprit à la conduite.

S’il a envie de conduire, il peut. Renault a en effet doté la Symbioz de 2 moteurs électriques, un dans chaque roue arrière, d’une puissance de 360 kW (soit l’équivalent de presque 500 chevaux). La marque au losange a aussi doté la Symbioz d’un mode "Dynamic", de quoi profiter du couple de 550Nm délivré immédiatement. Ce qu’on expérimente au départ, pour emmener la Symbioz sur l'autoroute, son terrain de jeu autonome.

Renault a vraiment travaillé l’intérieur, avec un panneau de bois qui masque la vitre arrière pour abriter les haut-parleurs Deviallet, du tissu enveloppant pour les sièges ou un gigantesque écran LG haute définition en forme de L.
Renault a vraiment travaillé l’intérieur, avec un panneau de bois qui masque la vitre arrière pour abriter les haut-parleurs Deviallet, du tissu enveloppant pour les sièges ou un gigantesque écran LG haute définition en forme de L. © BFM

Au volant

Le point fort de la Symbioz est d’avoir été conçue comme une voiture autonome dès le départ. Une voiture futuriste donc, mais vraisemblable. Et ce, dans les moindres détails. Par exemple, le réglage des sièges passe par le grand écran tactile en L, conçue par LG. Très didactique, la fonction demande juste d’appuyer sur des flèches, modélisant la position du siège. Bluffant. Comme toute voiture électrique, la Symbioz est très silencieuse. Seuls quelques cliquetis dans le volant, et des petits détails comme un très fin comodo de clignotants rappellent que nous sommes encore dans un concept. Malgré son gabarit, la Symbioz est très maniable. Mais en réalité, on a très envie de ne plus se préoccuper de son châssis, ou de son accélération.

Pour passer en mode autonome, il suffit d’appuyer sur deux boutons, au-dessus du volant, une fois la voiture à vitesse constante, au centre de sa voie. Sur le siège passager, Maxime, le superviseur, donne le top. C’est un peu notre commandant de bord. Sur ses genoux, une table de contrôle qui ressemble à une table de mixage, mais avec beaucoup de gros boutons rouges. Elle lui permet de reprendre le contrôle en cas de souci. Il délivre également des consignes de sécurité, et les bons réflexes, pour expliquer ce que fait la voiture. Sa présence fait aussi partie des obligations légales demandées à Renault pour réaliser ses tests sur route ouverte.

Renault a mis l'accent sur le confort. Lorsque la Symbioz roule en mode autonome, le dossier s'incline, et l'ex conducteur peut alors se détendre ou regarder des films sur l'écran central. Maxime, notre superviseur, veille tout de même au bon fonctionnement du véhicule.
Renault a mis l'accent sur le confort. Lorsque la Symbioz roule en mode autonome, le dossier s'incline, et l'ex conducteur peut alors se détendre ou regarder des films sur l'écran central. Maxime, notre superviseur, veille tout de même au bon fonctionnement du véhicule. © BFM

Je presse donc les deux boutons. Le siège recule alors, tandis que le volant rentre vers le tableau de bord, comme pour me retirer les commandes, le dossier s’incline alors pour une position plus relaxante. La Symbioz file à 130km/h, change seule de file en mettant son clignotant, pendant que je me repose.

La Symbioz est également connectée aux infrastructures de l’autoroute en partenariat avec Sanef. Un émetteur 5G (du Wi-Fi haut débit) prévient la berline des files libres ou de travaux potentiels un kilomètre avant le péage. Je compatis pour la voiture, qui comme un conducteur peu habitué, donne de nombreux petits coups de volant pour se caler au centre de la file. Je compatis tellement, que je touche sans faire exprès le volant, satanés réflexes de conducteurs du XXe siècle! La Symbioz pense que je veux alors reprendre les commandes, et me rend la main. Heureusement, Maxime notre superviseur nous sauve la mise en prenant les commandes. Même avec l’arrivée de la voiture autonome, l’humain reste donc bien la première source d’erreurs, de quoi se convaincre que le réel progrès en termes de sécurité se fera avec des modèles sans aucun volant. En attendant et pour parfaire son comportement de véhicule de transition entre conduite manuelle et 100% autonome, la Symbioz a parcouru environ 10.000 kilomètres depuis le début des tests.

"LE" truc en plus: le luxe, ce sont les explications

Se retrouver à 130km/h sans tenir le volant peut faire peur. Pour ne pas stresser le conducteur, Renault a beaucoup travaillé sur l’interface homme-machine. Grâce à la réalité augmentée, affichée sur le pare-brise, la Symbioz explique tout ce qu’elle fait: en coloriant des trajectoires, elle indique par exemple quand elle change de file.

36 capteurs au total permettent à la Symbioz de se déplacer seule, dont 3 lasers-scanners. Deux se nichent à l’avant, sous chaque phare.
36 capteurs au total permettent à la Symbioz de se déplacer seule, dont 3 lasers-scanners. Deux se nichent à l’avant, sous chaque phare. © Renault

"LE" chiffre: 36

C'est le nombre de capteurs qui permettent à la Symbioz de se déplacer seule. Renault a notamment disposé 3 lasers-scanners (ou lidars), une ceinture de radars, des caméras, pour superviser ce qui se passe autour de la voiture à 360°. Si la Symbioz reprend certains éléments de l’Espace autonome testé depuis plusieurs mois, un certain nombre de calculateurs sont encore des prototypes. "Proposer une telle voiture en concession semble réaliste en 2023, car la baisse des coûts devrait converger avec une maturité des technologies", souligne Mathieu Lips. La marque a également signé un partenariat avec l’opérateur de mobilité Transdev, afin de réfléchir à la commercialisation de cette nouvelle mobilité. "Pourquoi pas demain vendre des minutes de trajet", s’interroge Mathieu Lips.

Notre voiture à l’essai: Renault Symbioz demo-car, équipée de 2 moteurs électriques d’une puissance de 360 kW (un peu moins de 500 chevaux), avec une autonomie annoncée de 500 kilomètres (théoriques). Ce véhicule reste à l’état de concept.

Pauline Ducamp