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Renault peut-il vraiment disparaître?

Ce vendredi, Bruno Le Maire a dit redouter une disparition pure et simple de Renault. Mais dans la foulée, le ministre de l'Economie a expliqué que l'usine de Flins ne devait pas fermer. En fait, une faillite du premier constructeur automobile français est politiquement inenvisageable et l'Etat agira en dernier recours pour préserver l'emploi de ce qui reste un fleuron de l'industrie française.

"Il faut être lucide, Renault peut disparaître", indiquait ce vendredi matin le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, à l'antenne d'Europe 1. Des propos qui reflètent la gravité de la situation chez le groupe automobile français, déjà fragile avant la crise sanitaire. Le plan de restructuration qui sera présenté le 29 mai, avec des rumeurs de fermetures d'usines en France, avait en effet été annoncé mi-février, avant le début du confinement. 

Renault menacé... mais "Flins ne doit pas fermer"

Si Renault pourrait donc "disparaître", une autre déclaration de Bruno Le Maire peut surprendre: "Flins ne doit pas fermer", a également indiqué dans cette même interview le ministre de l'Economie, faisant référence au site des Yvelines, 2600 salariés, que le Canard Enchaîné citait parmi les sites menacés. 

Sauf que le ministre semble oublier que depuis la publication de l'article du Canard Enchaîné, le quotidien économique Les Echos a révélé que le site de Flins n'était pas réellement menacé. L'usine pourrait faire l'objet d'une reconversion, par exemple, pour être dédiée à la production de batteries pour les véhicules électriques.

Le site produit actuellement la Nissan Micra, mais surtout la Renault Zoé, qui pourrait être délocalisée à Douai (Nord), l'usine où devrait être produits les futurs modèles électriques du groupe, dont le futur SUV électrique de Dacia selon nos informations.

"Le scénario le plus probable, c'est qu'on va sauver l’usine de Flins pour que l’Etat donne l’impression qu’il a limité la casse sociale, mais pour le reste Renault pourra mettre en place son plan de redressement", souligne Emmanuel Le Chypre, éditorialiste économique chez BFM Business.

Une disparition non, un rachat peut-être?

"L’Etat ne laissera pas tomber Renault. Il n’a pas laissé tomber PSA, qui était au bord de la faillite en 2013, alors qu'il n'était pas encore actionnaire à l'époque, donc on ne peut pas imaginer qu’il laisse tomber Renault", poursuit Emmanuel Le Chypre.

"L'ex-régie", en référence à la nationalisation du constructeur après la Seconde Guerre mondiale, constitue un fleuron industriel historique de la France.

L'ancrage national reste fort chez Renault, avec 48.000 salariés en France, sur les 179.500 que compte le groupe, soit 27% de ses effectifs. L'an dernier, Renault a produit 686.000 véhicules dans l'Hexagone, soit 18% de sa production mondiale (3,82 millions d'unités). 

Le prêt de 5 milliards d'euros, garanti par l'Etat, et que Bruno Le Maire a conditionné ce matin à "la stratégie de Renault", paraît ainsi assuré pour garantir l'avenir du constructeur, trop important en termes d'emplois en France. Là encore, la posture du ministre, qui veut "recréer de la solidarité entre donneurs d’ordre et sous traitant", vise surtout à réaffirmer le soutien à la production nationale.

L'aura de Renault à l'international reste en outre inestimable et le groupe est engagé dans des chantiers importants dans l'automobile du futur, autonome et plus propre. Si l'affaire Carlos Ghosn a jeté un froid sur l'alliance avec Nissan, l'ensemble reste pertinent pour faire face aux grands défis, environnementaux et technologiques que doit affronter l'industrie automobile.

Si Renault ne peut donc a priori pas "disparaître", le groupe pourrait-il en revanche être absorbé? Avec une action en forte baisse depuis le début de l'année, sa faible capitalisation actuelle en ferait une proie facile pour un autre géant de l'automobile mondial par exemple. Mais cela reste une hypothèse très peu probable, la présence de l'Etat français au capital dissuaderait en effet toute stratégie d'acquisition par un groupe étranger.

Julien Bonnet