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Que change le passage de la vitesse maximum à 30km/h en ville?

Quel est l'impact réel d'un passage à 30 km/h en ville.

Quel est l'impact réel d'un passage à 30 km/h en ville. - RMC

Après Bègles, Lille impose à son tour une vitesse maximum de 30km/h sur tout son territoire. D’autres villes, dont Paris, vont prendre des mesures similaires dans les prochains mois.

Rouler à 30km/h en centre-ville, c’est la règle qu’a établie cette semaine la commune de Lille (Nord). Et dans les prochaines semaines, cette mesure s'étendra dans toute la ville. Comme à Bègles. Début juillet, la commune de Gironde a généralisé les 30km/h sur toute sa commune. 

Si le code de la route impose depuis 1990 une vitesse maximale de 50 km/h en agglomération, de plus en plus de villes généralisent la règle des 30km/h. Paris envisage par exemple d’abaisser la vitesse de 20km/h dans 85% des rues en 2020. Pour justifier cette mesure, la municipalité de Bègles met en avant "des nuisances réduites", et "une ville apaisée".

Un partage de l’espace public plus serein

C’est le principal bénéfice qui ressort des expérimentations et études sur une ville à 30 km/h.

"Le passage de 50 à 30km/h en agglomération peut permettre un apaisement du trafic, et conduire à un meilleur partage entre les différents modes de déplacement (marche, vélo, voiture et transports en commun), dans une logique d'optimisation de l'utilisation de l'espace public", écrivent ainsi les rapporteurs de l’Ademe, dans une étude sur l’impact de la baisse de la vitesse, parue en février 2014.

Cette baisse de la vitesse entraîne en moyenne un report de 20% du trafic sur les transports en commun, souligne un autre rapport, cette fois une analyse socio-économique de différents scénarios de baisse de la vitesse, rédigée par le ministère de la Transition écologique et solidaire. 

Avec moins d’usagers sur la route, la conduite s’annonce plus fluide, et donc plus sereine. Les spécialistes de la prévention routière reconnaissent par ailleurs que de trop grandes disparités de vitesse entre les usagers s’avèrent dangereux. C’est ainsi que les fabricants de trottinettes électriques demandent une vitesse maximale imposée à 25km/h, au lieu des 20 actuellement annoncés, pour aller à la même vitesse que les vélos électriques, et éviter ainsi les trop grandes disparités.

  • Baisser la vitesse des voitures (entre autres véhicules) à 30 km/h permet aussi de réduire les distances de freinage. L’institut belge de la sécurité routière explique ainsi qu’à 30km/h, en prenant en compte un temps de réaction de 1,5 seconde, un véhicule ne mettra que 13,3 mètres pour s’arrêter. Contre 27,7 mètres à 50km/h.

C’est bien d’une baisse de l’accidentologie qui a été constatée à Lorient, ville où les 30km/h sont appliqués dans de nombreuses rues depuis 2007. Le nombre de blessés est passé de 28 personnes en 2006, à 10 en 2016, selon une enquête du Figaro.

Le véritable enjeu reste cependant d’adapter les infrastructures à cette baisse de la vitesse, afin de fluidifier encore le trafic. En 2017, selon des chiffres relevés dans la capitale, la vitesse moyenne oscillait entre 15 et 16km/h, selon Le Parisien. L’impact d’une baisse de la vitesse à 30 km/h dépend donc fortement du contexte où elle est appliquée, "contraint par la fonctionnalité de la voie, les moyens coercitifs utilisés pour faire respecter la limitation de vitesse, les modifications d’itinéraire par les usagers dues aux changements des conditions de circulation et l’allure des usagers qui peut être apaisée ou agressive et entrainer des baisses ou des hausses des émissions par rapport à un comportement classique", écrit ainsi l’Ademe.

Une baisse du bruit de la circulation

Retravailler l’infrastructure contribuera aussi à faire baisser le bruit. Proposer une vitesse homogène partout évite par exemple les accélérations intempestives, en sortie de zone 30, donc les nuisances sonores. Mais si les dos d’âne se succèdent pour casser la vitesse, l’influence sur le bruit du passage à 30km/h ne sera pas vraiment audible.

Un rapport de BruitParif note en 2016 que sur un revêtement standard, le passage de 50 à 30 km/h amène une baisse de 3,4dB. Or, un écart de 3dB revient à multiplier ou diviser par deux l’énergie sonore.

  • Peu d’effets sur la pollution

Les effets sur la pollution d’une baisse de la vitesse à 30km/h semblent en revanche difficiles à mesurer. "Il faudra tenir compte de l’impact de la limitation de vitesse sur la congestion. Des variations importantes peuvent être constatées en fonction des scénarios choisis ou des typologies de zone, mais aucune tendance ne se dégage nettement", écrivent les ingénieurs de l’Ademe.

"On ne peut pas mettre en évidence un impact spécifique des zones 30", résume Karine Léger, ingénieure chez AirParif. Tout dépend des véhicules, de leur âge, du modèle ou encore du type de conduite de l’automobiliste.

"Les voitures essence dépollueront aussi bien à 50km/h qu’à 30km/h. Et comme les émissions de CO2 dépendent de la consommation de la voiture, si je roule moins vite, je consomme moins donc j’émets moins de CO2", nous explique David Deregnaucourt. Cet ingénieur, directeur général de Spheretech Environnement, doute cependant de la baisse de 65% de la consommation avancée par la ville de Bègles comme avantage du passage à 30km/h. Particulièrement pour les véhicules diesel.

"Sur un diesel, rouler à cette vitesse ne permettra pas aux systèmes de dépollution d'être plus efficace, poursuit David Deregnaucourt. Le moteur risque d’être en "sous-couple," donc de ne pas être à son rendement optimum, il compensera cette perte de rendement par du combustible, donc plus de consommation".

Le passage à 30km/h dans la ville de Bègles a pour l’instant valeur de tests. La municipalité se donne en effet un an pour évaluer son efficacité dans la ville. La municipalité a d’ailleurs appelé les cyclistes comme automobilistes ou conducteurs de deux-roues à faire un retour de leur expérience au quotidien de cette mesure.

Pauline Ducamp