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Pourquoi les Européens boudent les voitures électriques

Avec des ventes qui ne dépassent pas 2% du marché et les doutes émis directement par un haut-dirigeant de BMW mais aussi par le patron de PSA, la voiture électrique pose question. Et si les Européens n'en voulaient tout simplement pas?

L'électrique pas si fantastique? Souvent présentée comme une motorisation d'avenir, la France ayant par exemple choisi d'interdire les ventes de voitures thermiques en 2040, les véhicules zéro émission ne séduisent pas vraiment les Européens.

Moins de 2% des ventes

Si les ventes progressent d'année en année, elles tardent à décoller. Sur les cinq premiers mois de l'année, il s'est ainsi vendu seulement 118.000 voitures électriques en Europe, d'après les chiffres collectés par EV-Volumes, soit moins de 2% du marché du neuf.

Dans ce contexte, les propos récents du directeur du développement de BMW, Klaus Fröhlich, ont jeté un certain froid, surtout quand on sait que la marque bavaroise commercialise depuis 2013 sa petite i3 et vient d'annoncer une grande campagne d'électrification de sa gamme, avec pas moins de 25 modèles zéro émission attendus pour 2023.

"Il n'y a aucune demande pour des véhicules électriques de la part des clients. Aucune", a déclaré Klaus Fröhlich, ajoutant: "Il y a des demandes de la part des organismes de réglementation, mais aucune de la part des clients. D'après ce que nous voyons, les véhicules électriques sont destinés à la Chine et à la Californie. Partout ailleurs, il est préférable d'avoir des hybrides rechargeables avec une bonne autonomie".

Un son de cloche qui tranche avec le discours ambiant mais qu'on entendait déjà chez le patron de PSA en septembre 2017. "Imposer la technologie du véhicule électrique est une folie", avait notamment déclaré Carlos Tavares, même s'il précisait bien être en mesure de répondre à ce défi. Un discours répété dans une interview au Parisien l'an dernier:

"Nous avons développé une stratégie pour être capable, sur une même ligne de montagne, de passer d’une motorisation essence à une diesel ou électrique, pour répondre aux souhaits de nos clients (ce sera notamment le cas pour les prochaines Peugeot 208 et 2008, ndlr). Reste à savoir si nous avons une électricité propre, un réseau de bornes de recharge prêt, des méthodes de fabrication et de recyclage des batteries qui ont une empreinte carbone acceptable. Aujourd’hui, le débat n’est pas de savoir qu’elle est la bonne technologie pour protéger la planète. Les pouvoirs publics ont déjà tranché. On leur laisse la responsabilité scientifique d’imposer le choix de l’électrique aux citoyens".

Des "réticences importantes" mais...

"Il est vrai que les réticences restent importantes, c'est des voitures qui sont chères à l'achat, on s'interroge sur l'autonomie, on se demande si on trouvera des bornes pour les recharger et puis il y a le bilan écologique qui est très douteux, avec tous ces composants des batteries qu'il faut recycler. Si vous prenez l'ensemble du cycle de vie de la voiture, le bilan n'est pas si avantageux", résumait ce matin Emmanuel Lechypre, éditorialiste économique de BFMTV.

En plus des enjeux écologiques, il y a aussi un avenir industriel qui pose question. L'Asie, et la Chine en particulier, a pris une longueur d'avance en termes de capacité de production de batteries. En Allemagne, 150.000 emplois seraient ainsi menacés, 40.000 en France.

Le tableau n'est toutefois pas si noir: sur le plan de l'emploi en particulier, il faut prendre en compte les nouveaux métiers que nécessiteront la transition vers une mobilité électrique.

Avec une offre de véhicules encore limitée mais en plein développement, il est également sans doute encore un peu tôt pour parler d'une révolution électrique vouée à l'échec. La version électrique de la prochaine Peugeot 208, la nouvelle génération de Renault Zoé ou encore la première Volkswagen 100% électrique pourront potentiellement attirer de nouveaux clients.

Le développement de l'écosystème de recharge doit aussi encourager un plus grand nombre d'automobilistes à passer à l'électrique. Alors que le gouvernement français vient d'annoncer un dispositif visant à encourager l'installation de bornes en habitat collectif, un sondage récent indiquait qu'un Français sur deux vivant en copropriété serait justement prêt à acheter un véhicule électrique ou hybride rechargeable si un accès à une solution de recharge lui était garanti.

Julien Bonnet