BFM Business
Auto

Pollution: la circulation automobile est-elle vraiment coupable?

Quels véhicules n'auront pas le droit de rouler demain dans Paris et la petite couronne?

Quels véhicules n'auront pas le droit de rouler demain dans Paris et la petite couronne? - LIONEL BONAVENTURE / AFP

D'où viennent ces indésirables particules fines qui nuisent à la santé? Les automobilistes sont-ils les seuls responsables? Eléments de réponse pour comprendre l'épisode de pollution qui touche une partie de l'hexagone et plus particulièrement l'Ile-de-France.

>Le trafic routier est la première source d’émissions de particules fines

VRAI. Le secteur automobile est celui qui contribue le plus aux émissions de particules fines PM10, à hauteur de 28% selon des mesures d'Airparif. Cette pollution provient d'abord des véhicules diesel sans filtre à particules.

"Un véhicule diesel équipé d'un filtre émet jusqu'à 600 milliards de particules ultra-fines (PUF) au kilomètre. Sans le filtre, il en émet de 100 à 1000 fois plus, résume Nicolas Meilhan, ingénieur conseil en énergie et transports, membre des Econoclastes. Cependant, les modèles essence récents, notamment à injection directe, émettent aussi des particules, encore plus fines. Ces voitures ne sont pour l'instant pas équipées de filtre, à de rares exceptions près, et elles peuvent émettre jusqu'à 3000 fois plus de particules qu'un diesel équipé d'un filtre".

Le secteur automobile est toutefois suivi de près par le secteur résidentiel et tertiaire à hauteur de 26%, qui inclut les émissions liées au chauffage et plus spécifiquement au chauffage au bois.

Le secteur des chantiers et carrières suit ensuite avec 18% des émissions, à égalité avec l'agriculture, toujours selon Airparif. D'autres secteurs émettent aussi des particules fines mais de façon plus résiduelles comme les plateformes aéroportuaires à hauteur de 2%.

"Cependant, le thermomètre pour mesurer les épisodes de pollution aux particules n'est pas forcément le bon, poursuit Nicolas Meilhan. Les particules ultra-fines (PUF), les PM 0,1, ne sont pas mesurées, seules les PM 10 et PM 2,5 le sont. Or, les PUF représentent 80% des particules en nombre, et ce sont les plus dangereuses". 

>La pollution vient aussi des usines de l’Est de l’Europe et des centrales à charbon allemandes 

FAUX. Non, la pollution qui touche actuellement l’Ile-de-France ne vient pas d’émissions de polluants de l’étranger.

"Cela peut arriver, ça va dépendre de l’ampleur de l’épisode de pollution et du type de polluant. Mais là, on est clairement sur un épisode local, ce sont des émissions qui viennent de région parisienne et qui restent sur la région parisienne", explique Géraldine Le Nir, prévisionniste à Airparif.

Lors de l’épisode de pollution de février 2018, la pollution était ainsi à la fois locale et importée, le vent du Nord-Est ayant favorisé les concentrations élevées sur l’ensemble de l’Ile-de-France. 

>La circulation différenciée fait baisser la pollution 

VRAI.

"Le trafic automobile étant une source d'émissions de particules fines, quand on met la circulation différenciée en place, ça permet de réduire les émissions", affirme Géraldine Le Nir.

Pour que cette baisse de la pollution soit effective, il faut évidemment que les automobilistes jouent le jeu. Dans une étude publiée l'an dernier, Airparif évaluait l'impact de la mise en place d'une zone à basses émissions au sein de l'A86, dans laquelle seuls les véhicules Crit'Air 0, 1, 2 et 3 auraient le droit de circuler. Cette situation correspond au même scénario qu'à la circulation différenciée appliquée ce mercredi. Selon ces projections, la diminution des émissions particules PM10 était évaluée à 13%, 19% pour les particules PM2.5 et jusqu'à 28% pour les dioxydes d'azote. 

ZBE
ZBE © Airparif

Mettre en place de façon automatique la circulation différenciée ne serait cependant pas à chaque fois bénéfique.

"Si la pollution est d'origine locale, comme ces derniers jours, cela peut être efficace, car tout ce qui n'est pas émis en termes de particules ne reste logiquement pas sur place, souligne Nicolas Meilhan. Mais le fond du problème repose sur le parc de vieux diesel sans filtres. La circulation différenciée sera vraiment efficace si on interdit les véhicules sans filtre, soit immatriculés avant 2011".

L'efficacité d'une circulation différenciée préventive reste mal connue, car elle dépend fortement de la météo, et surtout de l'apparition du vent.

>La pollution est due à la météo

VRAI et FAUX. La météo n'est en rien à l'origine des émissions de polluants. Néanmoins, les conditions météorologiques actuelles empêchent la dissipation de la pollution. Depuis une dizaine de jours, l'Ile-de-France bénéficie en effet de conditions anticycloniques qui se caractérisent par un temps ensoleillé avec des températures froides le matin et douces l'après-midi, entraînant un phénomène "d'inversion de températures".

"C'est comme si on avait un couvercle sur la région parisienne, plus il est proche du sol, plus on a de pollution. D'ici mercredi, ces conditions doivent empirer", prévoit Airparif.

A partir de jeudi et l'arrivée de la pluie et du vent, les conditions devraient favoriser l'évacuation des polluants. 

"A l'inverse, à la vue des prévisions météo des prochains jours, le vent de sud-ouest va se mettre à souffler. C'est nous qui enverrons cette pollution aux particules fines en Allemagne, comme le montrent les prévisions de l'institut européen Copernicus", précise Nicolas Meilhan.

Carole Blanchard et Pauline Ducamp