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Pièces automobiles d'occasion: très peu de réparateurs jouent le jeu

Peu de réparateurs proposent spontanément une pièce de réemploi ou d'occasion.

Peu de réparateurs proposent spontanément une pièce de réemploi ou d'occasion. - Philippe Huguen / AFP

D'après une enquête du magazine 60 millions de consommateurs, peu de garages proposent des pièces détachées d'occasion ou reconditionnées à leurs clients. Ils en ont pourtant l'obligation depuis 2017 et privent ainsi leurs clients d'économies non-négligeables.

Les réparateurs automobiles ne joueraient pas vraiment le jeu de la pièce détachée d'occasion. C'est que ce tend à montrer un enquête publiée par le magazine 60 millions de consommateurs.

Une mesure à la fois économique et écologique

Cette mesure a été mise en place en 2017 pour stimuler le recours à des pièces d'occasion certifiée ou reconditionnée (une pièce d'occasion remise à neuf) mais elle est réellement entrée en application cette année. Objectif? Favoriser l'économie circulaire en luttant contre le gaspillage, réduisant au passage le coût de ces pièces pour les consommateurs.

Or, en octobre dernier, une association travaillant pour le compte des assureurs (qui ont bien sûr aussi à gagner d'une baisse du prix des réparations) signalait une hausse de 6,3% du prix moyen des pièces détachées au cours des douze derniers mois.

60 millions de consommateurs s'était déjà intéressé à ce sujet en 2017 et constate qu'il n'y pas donc eu vraiment de progrès depuis.

"Deux ans après la première étude, la situation ne s’est pas améliorée. Utiliser des pièces de réemploi est pourtant plus écologique, et plus économique", nous explique la journaliste Fanny Guibert, qui signe cette enquête pour 60 millions de consommateurs.

Des différences de tarifs très importantes

Pour cette version 2019, et en contactant plus de 300 professionnels (concessionnaires, agents de marque, garages et carrossiers indépendants ou non) pour des réparations "basiques" à effectuer sur des modèles populaires, la proposition d'une pièce de réemploi n'est visiblement toujours pas un réflexe.

70% des garagistes ont proposé spontanément cette solution pour un alternateur de Renault Clio III, mais 68% orientaient le client vers un "échange standard", c'est à dire une pièce reconditionnée et donc plus chère qu'une pièce purement d'occasion (dont la fiabilité est tout de même vérifiée avant réemploi), proposée par seulement 2% des réparateurs.

60 millions de consommateurs donne donc un conseil aux automobilistes concernés: ne pas hésiter à relancer son garagiste. L'alternateur d'occasion pour la Clio permet d'économiser 161 euros en moyenne par rapport à une pièce reconditionnée, contre un gain de seulement 50 euros en se passant d'une pièce neuve (532 euros en moyenne pour l'alternateur neuf, conte 485 euros en "échange standard").

Sur les autres tests en client-mystère, le taux de refus des garagistes pour proposer une pièce d'occasion est bien plus important. Pour un phare droit de Peugeot 207 et un rétroviseur gauche de VW Golf V, près des deux tiers des réparateurs ne proposent que du neuf. La différence de tarif n'est pourtant pas négligeable, du simple au double pour le phare de 207 (372 euros en neuf, 155 euros en occasion).

En prenant l'addition totale du garagiste, incluant donc en plus de la pièce, main d'oeuvre et peinture, la différence de facture saute aux yeux pour le rétroviseur de Golf: 406 euros en neuf contre 182 euros en occasion.

Des progrès à réaliser

Avec une telle économie à la clé, on peut donc s'interroger sur les raisons qui expliquent le faible taux de proposition de ces pièces bien moins onéreuses.

"Il n’y a pas de problème de disponibilité des pièces je pense aujourd’hui. Mais ces pièces sont-elles bien référencées? Est-ce que leur description sont correctement renseignées pour qu’elles soient facilement sélectionnées par les garagistes? Sont-elles facilement accessibles?", se demande la journaliste de 60 millions de consommateurs.

Si les garagistes doivent obligatoirement proposer ces pièces de seconde main, les exceptions prévues par la loi reste nombreuses et contribue à encourager les commandes de pièces neuves, par exemple lors d'une intervention gratuite (dans le cadre d'une garantie ou d'un rappel) ou si le délai d'obtention d'une pièce d'occasion est trop long. Dans ce contexte, la filière doit donc s'adapter pour proposer plus souvent cette solution, avec des consommateurs qui seront de plus en plus conscient de cette possibilité.

"Quand le client réclame, il obtient une pièce de réemploi. Les garagistes disposent d’outils comme des logiciels qui référencent les pièces disponibles et permettant de les commander. Mais dans les grandes enseignes notamment, ils ne les utilisent pas. L’habitude n’est pas prise. Les clients ne savent eux pas forcément que cette solution existe", souligne Fanny Guibert.

Autre solution imaginée par le gouvernement pour contribuer à faire baisser le prix des pièces détachées: libéraliser ce marché pour certaines parties visibles du véhicule. Contrairement à nos principaux voisins européens, ces pièces restent en effet protégées en France par des droits de propriété intellectuelle. Mais pour certains, il s'agirait d'une fausse bonne idée. Ces pièces "génériques" neuves viendraient notamment concurrencer les pièces d'occasion et donc nuire à la filière du recyclage.

Julien Bonnet, avec Pauline Ducamp