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Les voitures-radars privées entrent en service

D'ici à la fin du mois d'avril, 23 voitures-radars, opérées par des sociétés privées, contrôleront la vitesse des automobilistes dans l'Eure.

D'ici à la fin du mois d'avril, 23 voitures-radars, opérées par des sociétés privées, contrôleront la vitesse des automobilistes dans l'Eure. - CHARLY TRIBALLEAU / AFP

Après plusieurs mois de tests, les premières voitures-radars opérées par des sociétés privées vont entrer en service lundi 23 avril dans l’Eure. Un dispositif qui sera généralisé à l'ensemble du territoire d’ici à la fin 2020.

Après le contrôle du stationnement en agglomération, c’est au tour des contrôles de vitesse d’être délégués à des sociétés privées. Ce vendredi, le ministère de l’Intérieur,et le délégué interministériel à la sécurité routière, Emmanuel Barbe, ont officiellement mis en service ce nouveau dispositif à Evreux, dans l’Eure. Les premiers PV seront dressés lundi, date officielle de l'entrée en service de ces nouvelles voitures.

Dans les prochains jours, 26 véhicules commenceront officiellement à contrôler la vitesse des automobilistes dans ce département. Des prototypes y sont testés depuis le 24 février 2017.

"Le nombre de flashs va augmenter dans un premier temps mais les automobilistes vont s'adapter. Il n'y a aucun objectif financier. Le seul est d'épargner des vies", a confié vendredi matin Emmanuel Barbe sur franceinfo. "Fin 2020, le dispositif tournera sur toute la France".

Une voiture banalisée qui n’émet pas de flash

De loin, difficile de reconnaître une voiture flasheuse. En effet, la Peugeot 308 de couleur sombre, utilisée pendant les tests, est entièrement banalisée. Le conducteur au volant est un civil, fini le policier ou le gendarme en uniforme. Même si vous la croisez de plus près, difficile également de savoir si vous avez été flashé. Contrairement à une cabine fixe, cette voiture n’émet en effet pas d'éclair lumineux: elle flashe grâce à un système infrarouge.

Sur le tableau de bord est installé un appareil photo. Dans le bouclier avant se niche le radar. La voiture peut ainsi contrôler les automobilistes dans les deux sens de circulation. Elle s’annonce donc redoutable sur les deux-voies bidirectionnelles sans séparateur central qui passeront, le 1er juillet, à 80km/h. Sa marge d'erreur est de 10km/h lorsque la vitesse ne dépasse les 100km/h, de 10% au-dessus. Par exemple, le ministère de l'Intérieur donne l'exemple d'un automobiliste flashé à 91km/h au lieu de 80, la vitesse retenue sera de 81km/h. Il recevra alors l'amende de 90 euros.

Les véhicules pourront opérer sur tous les types de routes, entre six et huit heures par jour. Un coordonnateur pourra réorienter le conducteur vers des zones plus à risques selon les tournées.

"L'idée est d'augmenter la capacité de flasher", a précisé Emmanuel Barbe. L'objectif assigné aux sociétés privées sera en effet d'opérer 8 heures par jour, tous les jours, y compris les jours fériés et la nuit".

Des trajets définis par chaque préfecture

Si elles sont opérées par des conducteurs de société privées assermentées, les voitures restent la propriété de l’Etat. Chaque trajet de contrôle est défini par les préfets, le radar est réglé automatiquement en suivant les limitations de vitesse, par géolocalisation. Le conducteur n’interviendra en aucun cas sur la verbalisation, la voiture agissant comme un radar automatique en mouvement. Chaque société ne devra par ailleurs pas excéder le nombre de trajets de contrôle qui lui est dévolu, et la voiture devra circuler à une vitesse adaptée, précise le ministère de l'Intérieur.

Les infractions relevées seront traitées au Centre national de traitement des infractions routières, basé à Rennes. Ce sont donc bien des policiers qui verbaliseront les automobilistes contrevenants, lesquels recevront l’amende 15 jours plus tard. Les sociétés ne sont pas rémunérées au nombre de flashs.

Un dispositif critiqué par les associations...

La mise en place de ce nouveau système de contrôle de la vitesse ne fait pas l’unanimité. Et les récents déboires de la Mairie de Paris avec Streeteo, la société qui gère le contrôle du stationnement, ne risque pas de rassurer les opposants.

"A partir du moment où on confie une mission de sécurité à des sociétés, c’est un piège, assure à nos confrères de RMC Pierre Chasseray, délégué général de l’association 40 Millions d’automobilistes. Il n’y a plus de gendarmes, il n’y a plus d’uniformes, il n’y a plus rien. Même plus de possibilité de pouvoir s’entendre. Tout est automatisé, le traitement est automatisé. Tout passe par la société privée qui conduit ces voitures. Maintenant, plus personne ne pourra me regarder dans les yeux en me disant que les radars, ce n’est pas fait pour l’argent. C’est pour l’argent, sinon ça ne serait pas entre les mains de sociétés privées".

...mais aussi par certains policiers

Des policiers s’insurgent également contre ce système, comme Dominique, ancien motocycliste dans la police (1993-2015) sur RMC:

"L'argument selon lequel ces voitures civiles auront un effet dissuasif, parce que les conducteurs craindront à tout moment de se faire flasher, ne tient pas. On a déjà des voitures banalisées, des 508, des Dacia… Ce n’est pas pour autant que les chauffards lèvent le pied. En revanche, la peur du gendarme sur le bord de la route existe encore. C'est une évidence".

Les 26 voitures radars opérées par des sociétés privées viennent s'ajouter aux 383 voitures déjà utilisées par les forces de l'ordre en France. Toutes ces voitures passeront d'ici fin 2020 entre les mains de sociétés privées.

Pauline Ducamp