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Les motos électriques, grandes oubliées de la politique écologique du gouvernement

Entre les vélo et les voitures, les motos électriques sont la solution pour effectuer des distances moyennes

Entre les vélo et les voitures, les motos électriques sont la solution pour effectuer des distances moyennes - Zero Motorcycles

Les motos électriques ont tous les atouts pour devenir une solution de déplacement écologique, notamment dans les grandes agglomérations. Pourtant l'État, les régions et les villes n'incitent pas vraiment les motards à lâcher leurs vieilles bécanes bruyantes et polluantes pour rouler propre en silence.

Les véhicules électriques vont s'imposer dans les villes. L'État, les régions, les villes et même les entreprises se montrent particulièrement généreux pour investir dans un vélo à assistance électrique ou une voiture. Dès la fin du confinement, primes, bonus et subventions se sont multipliés, mais aucun coup de pouce supplémentaire n'a été accordé à ceux qui voudraient investir dans une moto électrique qui, pourtant, roulent elles aussi sans faire de bruit et sans émettre de CO2.

Un mini bonus, mais pas de prime à la conversion pour les motos

Certes, le bonus écologique dédié aux scooters et motos électriques a été reconduit cette année. Il s'élève à 250 euros par kWh avec un maximum de 900 euros. Un montant relativement faible.

"Le gouvernement va dans la bonne direction avec cette subvention, tempère Umberto Uccelli, directeur général Europe de Zero Motorcycles, le leader mondial de la moto électrique. Nous espérons qu'ils continueront à pousser en ce sens comme ils l'ont fait jusqu'à présent".

Et quand on parle de prime à la conversion, la situation paraît ubuesque. Si elle existe pour les scooters électriques, dans un format très minimaliste (1100 euros pour un ménage non imposable contre la mise au rebut d'une vieille voiture et l'achat d'un scooter électrique bridé à 45km/h), elle ne s'applique pas aux motos électriques, plus puissantes. 

Le dossier est pourtant en discussion, mais depuis deux ans il n'a jamais pu aboutir. Une réunion était prévue en mars dernier pour avancer sur le sujet, mais le confinement est arrivé, suspendant l'avancement du sujet.

Tout reste à faire et aucun cadre n'a été défini. D'un côté les pouvoirs publics veulent le limiter à l'électrique, de l'autre, les représentants de la moto proposent de l'ouvrir aux modèles thermiques à la norme Euro 5.

"L'électrique ne concerne que les urbains financièrement aisés, pourquoi limiter une aide à une partie de la population? Ce serait injuste et clivant", s'indigne Didier Renoult, représentant de la Fédération Française des Motards en Colère (FFMC), qui regrette que la moto reste le laissé-pour-compte des plans de mobilité.

"Nous attendons bien plus qu'une prime mais nous n'avons pas de lobbies aussi puissants que dans l'auto ou le vélo pour défendre, non pas nos seuls intérêts de motards, mais surtout une logique pour faire admettre l'intérêt de circuler à moto pour améliorer la fluidité de la circulation et moins polluer", explique à BFMTV la FFMC. 

Un problème avec les motos?

Conséquence, sans véritable aide adaptée, malgré l'augmentation des ventes de motos en 2019 portée par les 125 cc, la part de marché des motos électriques restent faible. Celles de fortes puissances atteignent péniblement les 1,55% du marché. Pour les équivalents 125 cc, la part de marché est de 5,1%. Par contre, les cyclos et petits scooters électriques, dont les prix démarrent à environ 1000 euros, ont représenté près d'un quart des ventes en 2019, grâce au bonus écologique.

"Nous sommes toujours les oubliés des mesures gouvernementales alors que la moto est l'une des solutions pour fluidifier la circulation et avec le virus rester confiner en portant un casque à visière et des gants", estime Philippe Monneret, ancien pilote de moto qui a fondé Easy Monneret en 2011, une école de conduite près de Paris. 

"Le vélo est parfait en ville, mais pour les moyennes distances, la moto c'est l'idéal, poursuit-il. Il y a un problème avec les motos, on n'en parle qu'en termes de nuisance et de risques en oubliant ce qu'elles apportent, il faut inciter le gouvernement à faire des efforts pour inciter à passer à l'électrique". 

Philippe Monneret ne baisse néanmoins pas les bras. Il est tellement convaincu de l'importance des deux roues motorisés sans émission qu'il se spécialise dans la formation à ces engins depuis le permis AM jusqu'au A. 

Mais pour la création d'une piste dédiée, il se trouve face à un problème. Si les candidats de manquent pas, "il n'est pas évident de trouver des électriques depuis les équivalents 50 cc jusqu'aux grosses cylindrées". Philippe Monneret cherche des deux-roues à vitesses automatiques, mais aussi avec embrayage, pour offrir la formation la plus complète possible. Et ces derniers manquent désespérément.

L'offre reste discrète

En effet, les modèles sans émission ne sont pas nombreux et les motards ne semblent pas séduits par l'offre existante. C'est d'ailleurs ce que pointe la FFMC pour créer une aide à la conversion réservée à l'électrique. "Pour l'instant, ces motos sont élitistes et une prime ne profiterait qu'à quelques constructeurs puisqu'il n'y a pas de choix", nous explique son porte-parole.

En effet, les motos électriques se comptent aujourd'hui sur les doigts d'une main. Malgré son prix, le C-Evolution de BMW est un succès en France mais c'est un scooter fait pour la ville. Dans les motos, les Socco se font une place dans les 125 cc, grâce à un prix très attractif de moins de 5000 euros, mais la marque est la seule à proposer des modèles à ce tarif. 

Côté motos puissantes, l'offre est quasiment inexistante. Les grandes marques de Kawasaki à Honda en passant par Triumph ou Ducati n'ont rien annoncé hormis des idées. Harley a lancé sa LiveWire il y a quelques mois, mais à plus de 30.000 euros elle cherche encore son public. 

Reste Zero Motorcycles qui est la seule marque à proposer une gamme allant de 11 kW à la SR/F qui affiche un couple de 190 Nm et 110 chevaux avec une autonomie de plus de 250 kilomètres. "La 11 kW est déjà un succès en France et surtout en région parisienne", avance le constructeur sans donner de chiffres précis. Il faut néanmoins lâcher plus de 10.000 euros pour s'en offrir une. Reste la question qui fâche: qu'en est-il des sensations que recherchent les motards?

"Outre le silence, l'absence d'émissions de CO2, ces motos sont cool, amusantes, offrent au conducteur beaucoup de couple, beaucoup de gadgets liés aux technologies que nous utilisons. Lorsqu'ils sont assis sur une de nos motos, les motards n'ont pas la sensation d'avoir 'emprunté' la moto de leurs enfants", assure Umberto Uccelli en espérant inciter les constructeurs à développe le marché.

"Ces motos représentent une alternative valable pour de nombreux habitués des motos thermiques, nous espérons également que la marque ouvrira la voie aux autres fabricants de motos". 

Pascal Samama
https://twitter.com/PascalSamama Pascal Samama Journaliste BFM Éco