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Les garagistes devront proposer des pièces d'occasion au 1er janvier 2017

Au 1er janvier 2017, les clients auront le choix entre des pièces d'occasion et des pièces neuves chez leur garagiste.

Au 1er janvier 2017, les clients auront le choix entre des pièces d'occasion et des pièces neuves chez leur garagiste. - domantasm

Un décret signé le 30 mai par la ministre de l'Environnement, Ségolène Royal, rend obligatoire la fourniture de pièces d'occasion par les garagistes, si un client en fait la demande. Une mesure qui pourrait faire économiser beaucoup d'argent aux automobilistes, mais dérange quelque peu les professionnels de la réparation automobile.

A partir du 1er janvier 2017, les garagistes seront obligés d'utiliser des pièces de seconde main si le client en fait la demande. Un décret qui s'inscrit dans la loi sur la transition énergétique d'août 2015. Vous aurez donc le choix entre une pièce neuve, ou une pièce d'occasion. Ceci pourrait réduire les factures de moitié, et ce grâce à des pièces recyclées, "issues de l'économie circulaire" selon le ministère de l'Environnement. 

Des pièces recyclées et vérifiées

Sont concernées par cette nouvelle règle, les pièces de carrosserie amovibles, les vitrages non collés, les pièces optiques, et certaines pièces mécaniques ou électroniques, comme les moteurs, les boîtes de vitesse et les organes de transmission. Des pièces à la qualité vérifiée, "démontées dans les 1700 centres de traitement de véhicules hors d'usage agréés", a précisé le ministère de l'Environnement. Une mesure de recyclage qui permettra, toujours selon le ministère, "d'économiser des ressources non renouvelables, de l'énergie et de la matière première", mais aussi de proposer des prix "attractifs" par rapport au prix des pièces neuves.

Des garagistes sur la réserve

Du côté des garagistes on fait la grimace devant une mesure qui vient "s'immiscer dans la relation client/prestataire", selon Aliou Sow, secrétaire général de FNAA (Fédération Nationale des Artisans de l'Automobile), une association qui représente des entreprises du commerce et de la réparation automobile. Pour ce dernier, la loi vient "mettre le client en opposition avec le garagiste".

Autre point de crispation souligné par Aliou Sow, la validation des pièces. En effet les 1700 "centres de traitement de véhicules", autrement dit, les "casses", s'occupent du démontage et du tri des pièces. Ce sont donc eux qui expertiseront et vendront aux particuliers ou aux professionnels les pièces d'occasion. D'après Aliou Sow, les "garagistes se veulent vigilants" car les personnes qui effectueront le choix des pièces et les vendront "n'auront pas forcément l'expertise nécessaire". Ces pièces peuvent donc représenter un "souci de fiabilité" qui expose le réparateur, tenu par "l'obligation de résultat" et sa "responsabilité vis-à-vis du client".

Un argument que balaie Maxime Richaud, directeur de Careco Paris, une entreprise spécialisée dans le démontage et la revente de pièces détachées de véhicules, située à Bobigny (Seine-Saint-Denis). "Chez nous, la sélection des pièces répond à un cahier des charges scrupuleux, détaille Maxime Richaud. Nos experts internes font un premier tour visuel du véhicule et des pièces, testent le moteur, le compresseur, puis passent au démontage." Autre précision ajoutée par le dirigeant: "Nos experts internes sont tous mécaniciens, et les pièces ainsi que le véhicule démonté sont présentés en photo aux professionnels". Rien n'assure pourtant que tous les "centres de traitement de véhicules", comme ils sont qualifiés par le ministère de l'Environnement, répondent tous à ces critères.

Une mesure gagnant/gagnant ?

Pour Maxime Richaud, la mesure présente des avantages pour les clients, mais aussi pour les garagistes: "Pour un changement total de portière, imaginons que le matériel de remplacement neuf et la pose coûtent entre 1200 et 1300 euros. Si le prix du véhicule à la revente s'en approche, il est économiquement irréparable. Le client va voir le devis du garagiste et partir. A 500, 600 euros avec une portière d'occasion, c'est un client gagné pour le réparateur" conclut le dirigeant de Careco Paris.

S'ils ne voient pas d'opposition aux échanges standard (pièces reconditionnées par l'équipementier), obliger les garagistes à proposer des pièces d'occasion aux clients suscite "l'incompréhension des professionnels" selon le représentant de la FNAA. Il ajoute: "Les garagistes font déjà en fonction du budget de leur client, il leur arrive donc déjà de proposer des pièces d'occasion ou remises à neuf." 

Les réparateurs restent décisionnaires

Toutes les pièces d'occasion ne sont pas logées à la même enseigne, selon Aliou Sow. Si pour une portière, le garagiste ne verra pas d'inconvénient à faire une réparation avec une pièce d'occasion sélectionnée par le client, "même si cela représentera plus de temps de travail qu'une portière neuve", les garagistes ne sont pas prêts à accepter n'importe quoi. Certains professionnels "n'acceptent de travailler qu'avec des pièces constructeurs", ajoute-t-il, et peuvent refuser de procéder à une installation, car "ils engagent leur responsabilité". Joints par téléphone, plusieurs constructeurs n'ont pas souhaité donner suite à nos demandes d'interview.

Aliou Sow se félicite néanmoins des progrès faits sur le texte de loi, depuis son vote en août 2015. Le projet initial permettait de soumettre toutes les parties d'un véhicule à cette obligation. Depuis, le "train roulant", ce qui lie le modèle au sol et les disques de freins en sont exclus. Un soulagement pour la profession, même si on concède à la FNAA, que les garagistes "grincent des dents".