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Les élus locaux accusent l'Etat d'entraver le retour aux 90km/h sur les routes

Les préfets ont reçu en début de semaine une circulaire listant toutes les conditions pour repasser aux 90km/h. Les élus locaux dénoncent eux une volonté du gouvernement d’empêcher l’assouplissement des 80.

L’assouplissement de la règle des 80km/h reste un chemin tortueux. Une circulaire datée du 15 janvier liste les conditions drastiques qui doivent accompagner un retour aux 90km/h. Cette circulaire a été remise aux préfets ce lundi, afin de préciser la position de l’Etat et le rôle à tenir lors des prochaines réunions avec les élus départementaux pour examiner le passage de certains axes de 80 à 90 km/h.

"Ce document est un guide conçu pour empêcher les élus de revenir sur le 80 km/h", s’indigne dans Le Figaro le député du Cantal Vincent Descœur (LR).

10 kilomètres minimum, pas d'engins agricoles...

Cette circulaire reprend les préconisations formulées par le comité des experts du conseil national de la sécurité routière en juillet 2019. Des préconisations qui à l’époque avaient déjà fait bondir un certain nombre d’élus. "Autant dire qu’en zone rurale, on ne pourra revenir sur le 80 km/h", résume Vincent Descœur.

Ces recommandations doivent en effet être prises en compte lors de l’examen par le comité départemental de sécurité routière. Parmi ces mesures, les experts recommandaient par exemple de ne pas proposer des tronçons de route de moins de 10 kilomètres pour repasser à 90km/h, d’y interdire les dépassements, via une ligne blanche, ou encore de ne pas repasser à 90 des tronçons empruntés par les engins agricoles.

Une bataille aussi politique

Via la circulaire transmise lundi aux préfets, sans les rendre obligatoires, l’Etat fait siennes ces mesures. La bataille entre les élus locaux et l’Etat est ici surtout très politique. En mai dernier, à l’annonce de l’assouplissement de la règle des 80km/h, le gouvernement et ses soutiens s’étaient clairement désolidarisés de cette demande des élus locaux.

"Maintenant que l'on va transférer le pouvoir aux départements d'aménager localement la limitation de vitesse sur les routes comme ils l'ont souhaité, les présidents de conseils départementaux devront prendre leurs responsabilités en conscience en n'oubliant pas qu'il s'agit de sécurité routière et au final de vies", prévenait ainsi dans Le Parisien Patrick Mignola, président du Groupe MoDem à l’Assemblée.

"Édouard Philippe n’a eu de cesse d’opposer l’État qui sauve des vies aux départements qui vont provoquer des morts. L’État veut se démarquer et tenir ces derniers pour responsables des tués sur les routes", rappelle le président de la Haute-Marne, Nicolas Lacroix (LR). Ce département a été le premier à repasser à 90km/h début janvier.

Des départements sont déjà repassés aux 90 km/h

Car au final, les présidents de département gardent la main. Après l’avis de la commission départementale de la sécurité routière, "cette décision [de relever la vitesse, ndlr] devra prendre la forme d’un arrêté motivé du président du Conseil départemental", précise bien l’Assemblée des départements de France (ADF). La Haute-Marne n’a elle pas attendu l’avis de la commission pour publier son arrêté, mais avait transmis le rapport d’accidentologie.

"Les présidents de département devaient prendre l’avis de cette commission, j’ai pris son avis mais aussi mes responsabilités", confie à BFMTV Nicolas Lacroix.

Sur les 15 tronçons de route examinés par la Commission en Haute-Marne, un seul avait reçu l’avis favorable du préfet, ce qui n’a pas empêché le département de relever la vitesse à 90 sur certains tronçons.

Mais au-delà du coût financier, la circulaire envoyée aux préfets pourrait surtout dissuader certains élus de lancer la procédure pour repasser à 90km/h. La circulaire précise en page 5 que les préfets peuvent déférer l’arrêté pris par les présidents départementaux devant le tribunal administratif.

"Cette circulaire insiste en fait plus sur la forme, que sur le fond lorsque les élus veulent relever la vitesse, mais cela entretient le flou auprès des élus, c’est clairement un nouveau coup de vis du gouvernement, nous explique Alexandra Legendre, porte-parole de la Ligue de Défense des Conducteurs. Dans ce débat, seule la vitesse est évoquée pour expliquer les accidents, aucun autre facteur. Or, par exemple, 26% des accidents de la route viennent de défauts des infrastructures routières".

Selon les derniers chiffres publiés par cette association, environ 25 départements étudient ou ont déjà voté le retour à 90 km/h sur leurs routes. La mesure des 80km/h est elle toujours en vigueur sur les routes gérées par l'Etat.

Pauline Ducamp