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Les conducteurs deviennent plus distraits avec les aides à la conduite

Quel que soit le système d’assistance, lorsqu’une fonction de conduite est déléguée au véhicule, les temps de réaction sont plus que doublés, souligne cette étude.

Quel que soit le système d’assistance, lorsqu’une fonction de conduite est déléguée au véhicule, les temps de réaction sont plus que doublés, souligne cette étude. - -

Avec la généralisation des aides à la conduite, les conducteurs alterneront de plus en plus phase de conduite active et simple supervision du véhicule. Or, reprendre le volant après une phase d’hypovigilance s’annonce périlleux, souligne une étude.

La voiture autonome est souvent perçue comme un bond en avant, en matière de sécurité routière. Mais la période de transition avec la généralisation des systèmes d’assistance à la conduite et de conduite semi-autonome inquiète.

Toujours superviser la conduite

Une étude de MAIF Fondation et la Fondation Vinci Autoroutes publiée ce vendredi alerte ainsi sur les difficultés des automobilistes à reprendre le contrôle du véhicule, quand ce dernier le demande. En effet, actuellement, le conducteur doit toujours superviser la conduite du véhicule, et donc toujours garder les mains sur le volant, même lorsque les aides à la conduite gèrent par exemple la vitesse ou la distance avec la voiture précédente. La législation impose au conducteur de ne pas rester plus de 20 secondes sans avoir les mains sur le volant, afin qu’il puisse reprendre rapidement les commandes. C’est cette phase de transition qui s’avère particulièrement périlleuse.

L’étude se base sur des travaux ont été menés en laboratoire par le Centre d'investigations neurocognitives et neurophysiologiques (Ci2N) de l’Université de Strasbourg et du CNRS, sur 60 volontaires. Sur simulateur, ils ont réalisé un trajet sur autoroute de 53 kilomètres, dont une partie en conduite semi-autonome (régulateur adaptatif de vitesse et système de maintien dans la voie).

Un manque rapide de vigilance

"Nous avons généré des phases d’autonomie plus longues que ce qu’autorise la législation", précise Marc Rigolot, directeur de la Fondation MAIF. Suite à un incident, les conducteurs devaient à un moment reprendre entièrement la main. Les résultats sont alarmants. Ils n’avaient pas de smartphone à disposition, les chercheurs voulaient en effet cibler spécialement l’endormissement.

"Quel que soit le système d’assistance, lorsqu’une fonction de conduite est déléguée au véhicule, les temps de réaction, en cas de besoin de reprise en main par le conducteur, sont plus que doublés par rapport à une conduite sans assistance", peut-on lire dans les conclusions de l’étude. Les temps de réaction se sont ainsi allongés.

Par exemple, les conducteurs mettaient en moyenne 2,2 secondes pour redevenir totalement maître du véhicule lorsque ce dernier n’avait qu’un régulateur adaptatif de vitesse enclenché. Quand le système d’alerte au franchissement de ligne était lui désactivé, les conducteurs mettaient en moyenne 4,5 secondes à replacer correctement le véhicule sur sa trajectoire ! Ce dernier se déportait en moyenne d’1,25 mètre sur le côté. 27% des conducteurs ont eux donné un coup de volant dans le mauvais sens.

"Malgré les alertes visuelles puis sonores, ce délai important peut être le signe d’un manque d’attention et d’un état d’hypovigilance du conducteur liés à la conduite semi-assistée, résument les chercheurs dans leur étude. Les mesures de somnolence indiquent d’ailleurs une baisse de l’éveil dès 10 minutes, soit 2 fois plus rapide qu’en conduite sans assistance pour l’ensemble des conducteurs".

"Démystifier" la voiture autonome et éduquer

"Il faut se préoccuper de l’accompagnement de la mise sur le marché de ces technologies, mais surtout déconstruire ce mythe de la voiture autonome, poursuit Marc Rigolot. Nous n’arriverons pas tout de suite à des voitures 100% autonomes 100% sûres. Pendant cette période de transition, il y aura toujours des accidents".

Marc Rigolot ajoute que les jeunes conducteurs sont ceux qui ont été le plus rapidement déconcentrés, alors que les conducteurs plus expérimentés restent plus longtemps vigilants. "Nous n’avions pas placé de distracteur pour n’étudier que l’endormissement, précise Marc Rigolot. Mais paradoxalement, utiliser son smartphone empêche de s’endormir. Alors qu’aujourd’hui, la réglementation se durcit sur l’usage du téléphone au volant, demain ce sera peut-être un outil pour une reprise rapide des commandes". MAIF Fondation insiste sur la nécessité de mieux former les jeunes conducteurs, mais aussi de mieux expliquer ces nouvelles technologies d’aides à la conduite lors de l’achat.

Pauline Ducamp