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Le plan d'aide de 8 milliards d'euros sera-t-il suffisant pour sauver l'automobile française?

Emmanuel Macron a annoncé un important plan de soutien à l'automobile, mais est-ce suffisant?

Emmanuel Macron a annoncé un important plan de soutien à l'automobile, mais est-ce suffisant? - BFMTV

Dévoilé par Emmanuel Macron ce mardi, le plan de soutien à l'automobile était très attendu. Avant l'entrée en application des nouvelles aides à l'achat dès la semaine prochaine, il a reçu un accueil plutôt positif de la part de différents acteurs du monde politique et économique, mais aussi quelques critiques.

Un plan d'aide massif de 8 milliards d'euros mis sur la table par l'Etat pour aider toute la filière automobile: constructeurs, équipementiers, distributeurs... Si l'Allemagne doit aussi présenter un plan équivalent au cours du mois de juin pour venir au soutien de sa puissante industrie automobile, la France est le premier pays à voler ainsi au secours de ce secteur déjà fragilisé avant la crise sanitaire. 

PSA positive, Renault plus discret

Une annonce sans surprise plutôt bien reçu par les principaux concernés, les constructeurs. Dans un communiqué, "PSA a salué le plan de soutien à la filière automobile du gouvernement français", évoquant notamment le nouveau bonus de 2000 euros accordés aux véhicules hybrides rechargeables.

Trois modèles équipés de cette motorisation associant électrique et essence sont actuellement produits en France par le groupe, le Citroën C5 Aircross, à Rennes, le Peugeot 3008, à Sochaux, et le DS7 Crossback, à Mulhouse.

Renault s'est montré plus discret. Il faut dire que le groupe au losange traverse une période difficile, avec un plan de restructuration qui doit être présenté ce vendredi. Dans la foulée de l'allocution d'Emmanuel Macron, Le Figaro a d'ailleurs révélé que le groupe prévoyait 5000 suppressions de postes en France. Le maintien de l'emploi en France dans le secteur automobile fait partie des contreparties à ce soutien.

Parmi les marques étrangères, le coréen Hyundai "accueille favorablement" ce plan qui va soutenir ses ventes de véhicules faibles émissions

"Compte tenu de la nécessité de privilégier les technologies les plus vertueuses, et compte tenu par ailleurs des niveaux de CO2 imposés aux constructeurs à l’échelle européenne, le soutien renforcé aux motorisations électriques et renouvelés aux hybrides rechargeables est une réponse pertinente. De même que les entreprises, qui on le sait sont un moteur fort du marché, peuvent de nouveau bénéficier d’aides conséquentes sur l’électrique", souligne Lionel French Keogh, directeur Général Hyundai Motor France;

Une aubaine pour les distributeurs? 

Alors qu'Emmanuel Macron a évoqué à plusieurs reprises le stock de 400.000 véhicules, neufs et d'occasion, non vendus actuellement en France, les distributeurs se réjouissent aussi des mesures de soutien à l'achat automobile. C'est le cas d'Alexis Padioleau, directeur général de Qarson France. Ce distributeur automobile multimarques indépendant est spécialisé dans la vente de voitures neuves et d’occasion à prix remisés.

Son dirigeant se félicite des "efforts significatifs", notamment sur la prime à la conversion.

"Avec l'élargissement des conditions d'éligibilité et en passant le montant de 1500 à 3000 euros pour les véhicules thermiques, qui constituent aujourd'hui la majorité du stock, les consommateurs vont pouvoir bénéficier de conditions particulièrement intéressantes", explique Alexis Padioleau.

Il évoque une remise pouvant atteindre 30% supplémentaire grâce à la prime à la conversion:

"Dans ces conditions et à titre d'exemple, nous sommes en mesure de proposer une Fiat 500 de 2 ans et moins de 30.000km à un prix inférieur à 5800 euros ou encore pour un budget d'environ 70 euros/mois sur 36 mois".

Même son de cloche du côté d'Aramis Auto, spécialisé dans la vente de voitures en ligne, et qui met en avant l'effet attendu de cette nouvelle prime à la conversion, qui concernera aussi des véhicules thermiques récents, plus abordables que l'électrique ou l'hybride:

"Ce qui est intéressant, c'est qu'on soutient à la fois le véhicule électrique mais aussi, via la prime à la conversion, les ventes de véhicules récents. Cela nous semble particulièrement important, avec un effet à la fois sur le pouvoir d'achat mais aussi sur l'environnement, puisque cela sort des véhicules anciens et très polluants du parc automobile", analyse Guillaume Paoli, directeur général d'Aramis Auto.

Usine à gaz et SUV subventionnés

S'il voit lui aussi un signal positif pour un secteur automobile en crise, Yves Carra, porte-parole de l'Automobile Club Association, regrette de son côté un certain côté "usine à gaz" de cette nouvelle prime à la conversion: 

"Ce qui est positif c'est que cela va créer un appel d'air car cette aide est limitée à 200.000 souscriptions. Mais on peut regretter de ne pas avoir suivi la recommandation du CNPA (Conseil national des professionnels de l'automobile) qui prévoyait un retour à la prime à la conversion première génération. Un dispositif qui avait connu un très grand succès car plus simple à appréhender pour le grand public", résume-t-il.

Il doute aussi de l'orientation du plan de relance, très orienté vers l'électrique:

"L'électrique ne correspond pas forcément aux besoins des Français mais au moins ces aides permettent de faire baisser l'écart de prix avec le thermique. Une voiture électrique peut ainsi être amortie au bout de 50.000 km en termes de coût d'utilisation. J'ai plus de craintes pour la filière automobile, les constructeurs ont l'objectif de produire 1 million de véhicules propres sur le sol français mais vont-ils pouvoir les vendre?"

A l'antenne de RMC et BFMTV ce mercredi matin, le député EELV Yannick Jadot s'est de son côté inquiété d'un financement potentiel des SUV via ces nouvelles aides. 

"Les SUV, c'est la deuxième cause de dérèglement climatique dans le monde après l'énergie", a-t-il souligné, reprenant un des arguments brandis contre ce type de modèles, jugés trop lourds et trop polluants. 
"Dans les prochains jours, on va continuer à faire des propositions. Par exemple pour que les véhicules les plus lourds et notamment les gros SUV ne puissent pas bénéficier de beaucoup de soutien public", a de son côté affirmé Mathieu Orphelin, coprésident du groupe parlementaire "Ecologie, Démocratie et Solidarité", qui était invité sur BFM Business ce mercredi.
Julien Bonnet