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La question du permis de conduire chez les seniors de nouveau posée

Après un accident impliquant un conducteur de 92 ans à Paris qui a grièvement blessé sa fille, le père d’une des victimes pose sur BFMTV la question d’un contrôle de l'aptitude à conduire pour les seniors.

"C’est un homme de 92 ans, et petit à petit je fais le rapprochement. A 92 ans, on peut conduire, mais que s’est-il passé? Est-ce un problème de perte de connaissance? J’ai petit à petit un sentiment de colère qui me remplit, et je me dis que c’est tellement injuste, ce qui se passe là".

Interrogé ce vendredi midi sur BFMTV, Bertrand Déroulède, le père de la jeune femme fauchée par un conducteur de 92 ans ce samedi à Paris, laisse éclater sa colère. 

Samedi 27 octobre, dans le 15e arrondissement, un conducteur a percuté des piétons. Il s’est encastré dans un magasin de fleurs, après avoir fait un malaise, selon France Bleu Paris. La fille de Bertrand Déroulède a elle été amputée d'une jambe, un autre blessé est encore dans une situation très grave ce vendredi.

"Vérifier l’aptitude des personnes au volant"

"Ce que je constate c'est qu'on parle de l'alcool au volant, des véhicules qui ne sont plus en état de fonctionner, ce qui est tout à fait normal ,mais il n'y a rien pour les seniors, s’est indigné le père de la jeune femme. Ce n’est pas du tout contre les personnes âgées, je le deviendrai peut-être un jour. Mais concernant tout ce qui est l’aptitude au volant, plus tard, à des âges plus ou moins avancés. Je ne sais même pas d’ailleurs si c’est un problème d’âge. Le constat est qu’en France, il n’y a pas de contrôle régulier sur l’aptitude au volant. Et peut-être que pour des personnes âgées ce serait intelligent de mettre quelque chose en place autour de ça".

Il y a six mois déjà, le préfet des Pyrénées-Atlantique Gilbert Gayet voulait suspendre le permis de conduire de certains seniors. Il se basait sur le bilan de sécurité routière de son département. En 2017, le tiers des 41 personnes qui ont perdu la vie dans un accident avait plus de 70 ans.

En France, comme en Allemagne ou en Suède, une fois délivré, le permis se conserve à vie. En Suisse ou en Italie par exemple, des visites sont régulièrement demandées. En Italie par exemple, le permis de conduire doit être renouvelé tous les 5 ans après 50 ans.

Sur RTL ce mardi, le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner a exclu toute idée de limiter l’usage du permis de conduire pour les seniors, ou de mettre en place un examen médical. "Il n'y a pas de raison épidémiologique pour fixer le seuil de la dangerosité d'un automobiliste à 60 ans, 70 ans ou 75 ans, soulignait déjà fin 2014 dans Challenges le Pr. Jean-François Caillard, Président du Conseil médical de l'association Prévention Routière.

D'ailleurs, la réglementation ne fixe pas d'âge précis comme seuil de la dangerosité de la conduite. Autrement dit, les médecins du permis de conduire agréés par les Préfectures ne considèrent pas un automobiliste dangereux au prétexte qu'il atteint l'âge de 60, 70 ou 80 ans. Ils doivent examiner son acuité visuelle et auditive, la mobilité de ses membres, ses réflexes et sa capacité à accomplir les manœuvres qui lui incombent au volant".

La législation demande en effet à tout conducteur de signaler tout problème de santé. Il devra alors passer une visite médicale, auprès des médecins du permis de conduire. Reste à savoir combien d'automobilistes signalent réellement des troubles.

Des personnes âgées victimes... comme piétons

"J’ai l’impression qu’on en parle parce cette personne était très âgée, mais ce genre d’accident se produit très régulièrement, et on n’en parle pas quand il s’agit de personnes entre 30 et 60 ans, expliquait ce mercredi sur RTL Anne Lavaud, présidente de l’Association Prévention Routière. Les seniors ne sont pas plus responsables que les autres, ils sont plutôt victimes. 25% des décès sur la route sont des seniors, alors qu’ils représentant 19% de la population. Ils sont surtout victimes en tant que piétons".

Un piéton sur deux tué l’an dernier (484 décès au total) était en effet une personne de plus de 65 ans, rapporte le Bilan annuel de la sécurité routière. "869 personnes âgées de 65 ans ou plus ont été tués dans un accident de la route en 2017. Un chiffre en baisse de -2%", souligne le Bilan. Le nombre de décès des plus de 75 ans était en revanche en légère hausse. "Retirer aujourd’hui la possibilité de conduire à un certain nombre de personnes âgées, ce serait précipiter d’autres problématiques, poursuit Anne Lavaud. Il ne faut pas stigmatiser les seniors, car ils savent gérer la baisse de leurs fonctions cognitives, et souvent cessent d’eux-mêmes naturellement de conduire". 

Interrogée sur le plateau de BFM TV, ce vendredi Chantal Perrichon, la présidente de la Ligue contre la Violence Routière en appelait à la responsabilisation de toute la société, pour entourer les seniors lorsqu'ils ne sont plus en état de conduire. Elle évoquait ainsi le rôle des médecins traitants, pour leur faire prendre conscience des difficultés, mais aussi de leurs proches, même si cette situation reste difficile. 

"Cette problématique revient de façon permanente: il faut écarter les seniors, souligne Chantal Perrichon. Si on veut écarter les populations les plus accidentogènes, il faudrait écarter les 20 à 30 ans, c’est donc mal poser le problème. Les gens âgés adaptent leur conduite, ils roulent par exemple moins la nuit, font moins de kilomètres".

Pauline Ducamp