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La France, pas si bonne élève en matière de sécurité routière

Photo d'illustration d'un accident de la route.

Photo d'illustration d'un accident de la route. - Pixabay

La France est loin d'être un exemple en termes de sécurité routière, surtout lorsqu'on compare notre pays à des Etats similaires comme le Royaume-Uni ou l'Allemagne.

Si la France voit sa mortalité routière diminuer d'année en année, cela ne fait pas d'elle un exemple au niveau européen. Des dernières données publiées par Eurostat*, il ressort que le nombre de morts sur la route est plus élevé dans notre pays que chez ses grands voisins.

Ainsi, le Royaume-Uni, qui possède à peu près autant d'habitants que la France, comptait en 2017 presque deux fois moins de tués sur les routes que notre pays (1856 décès outre-Manche contre 3444 dans l'Hexagone). La même année, l'Allemagne faisait également mieux que nous (3180 morts contre 3444) alors que le pays compte... 15 millions d'habitants supplémentaires.

La France a toujours une mortalité routière élevée 

Si notre pays se classe devant les pays de l'Est (Roumanie, Bulgarie) ou du Sud de l'Europe (Grèce, Italie), en regardant le nombre de tués par million d'habitants, la France reste bien loin des performances de ses voisins (Allemagne, Suisse) et des pays du Nord (Suède, Norvège).

"Le réseau routier britannique est en mauvais état, contrairement au nôtre, les conducteurs britanniques ne peuvent donc pas aller vite, nous explique Emmanuel Barbe, délégué interministériel à la sécurité routière. "Et puis surtout, il y a beaucoup de radars, partout, avec une véritable lutte contre les excès de vitesse."

Outre l'état, il faut aussi regarder la taille du réseau. S’ils comptent autant, voire plus d’habitants, nos deux grands voisins disposent en revanche d’un nombre de kilomètres de routes pratiquement deux fois moins important. Ainsi, quand la France dépasse le million de kilomètres de routes, l’Allemagne n’en compte qu’un peu moins de 630.000.

Plus largement, pour le délégué interministériel, la mortalité routière dépend aussi du civisme des conducteurs.

"Je le répète, le civisme est essentiel en matière de sécurité routière", poursuit Emmanuel Barbe. "Nos voisins allemands semblent par exemple plus attentifs au respect des distances de sécurité, en comparaison d’autres pays."

Les motards, population particulièrement vulnérable

Cette question du comportement, mais aussi de ses ressorts psychologiques, sont au cœur des travaux de Sandrine Gaymard. Si les infrastructures ou la météo jouent un rôle dans les accidents, la chercheuse spécialiste des questions de sécurité routière à l’Université d’Angers souligne celui des caractéristiques culturelles, comme la masculinité-féminité, qui différencie certains pays, et donc certains comportements.

"La mortalité au volant touche plus les hommes, que les femmes. Une conductrice aura plus facilement tendance à faire attention aux usagers vulnérables, comme les piétons, nous explique Sandrine Gaymard. Aux Pays-Bas par exemple, qui est une société où la division des rôles sociaux hommes/femmes est faible, les résultats sont meilleurs en matière de sécurité routière".

Il y a aussi certains biais, comme ce que l'on appelle l’optimisme comparatif.

"C’est un facteur psychologique qui peut expliquer une prise de risque plus importante chez les motards, nous confie l’universitaire. L’optimisme, c’est la pensée que l'on est moins exposé aux risques que les autres. Cela amène une prise de risque. La moto renvoie aussi à une conduite de groupe, à une identité de groupe qui, dans certains contextes, amène aussi à prendre des risques".

Selon les données d’Eurostat, les motards français figurent parmi les plus exposés d’Europe. Proportionnellement, il y a ainsi deux fois plus d'accidents mortels de moto en France qu'au Royaume-Uni.

De manière générale, les pays au temps plus clément sont les plus touchés par la mortalité à moto, comme en Grèce, au Portugal, ou encore en Italie, où les habitants utilisent plus souvent, et à plus grande échelle, ce type de véhicules. 

Inversement, la France s'en sort mieux au niveau des cyclistes. Il convient tout de même de rappeler que le nombre d'accidents de vélo augmente chaque année dans l'Hexagone, une tendance probablement liée au fait que de plus en plus de personnes utilisent ce moyen de transport.

Ce biais statistique se retrouve ainsi aux Pays-Bas, plutôt bon élève en termes de sécurité routière. Les Néerlandais figurent pourtant parmi les pays les plus mal classés d'Europe au niveau des accidents de vélo, malgré des infrastructures adaptées et très développées. Ce qui s'explique sûrement par le fait que les citadins Hollandais se déplacent presque tous à vélo.

Pour Sandrine Gaymard, la manière dont est organisée la société pèse aussi sur la sécurité routière. L’habitude des usagers de la route à évoluer avec les autres, notamment avec les cyclistes et les piétons, amènent les automobilistes à plus de prudence. Si un automobiliste est aussi cycliste, il sera par exemple plus attentif, quand il sera au volant, aux personnes se déplaçant à vélo. 

"Nous avons mené une étude sur la représentation des piétons en France et en Espagne, poursuit Sandrine Gaymard. La société espagnole est plus 'collectiviste', notamment dans le rapport aux aînés. En conséquence, on remarque que les Espagnols sont plus sensibles à la vulnérabilité des piétons".

La chercheuse pointe aussi un autre phénomène: comment sont perçues les règles? "Il faut travailler à rendre la règle légitime, pour qu'elle soit acceptable, analyse Sandrine Gaymard. La route doit avoir du sens pour les automobilistes. Si une règle est en cohérence avec la situation, la nature des infrastructures, elle sera d'autant plus respectée". 

Après plusieurs années de stagnation voire de hausse de la mortalité routière, 2018 avait été marqué par une forte diminution du nombre de morts sur les routes. Une baisse historique malheureusement rattrapée dès début 2019 par trois mois d'augmentation des accidents de la route.

* Données Eurostat pour l'année 2017. Ces données sont les plus récentes pour une comparaison sur l'ensemble des pays de l'Union Européenne.

Louis Tanca, Pauline Ducamp