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La distanciation sociale va aussi s'appliquer aux cyclistes

Une piste cyclable provisoire à Grenoble (Isère).

Une piste cyclable provisoire à Grenoble (Isère). - PHILIPPE DESMAZES / AFP

Le vélo apparaît comme le moyen de transport privilégié pour respecter les distances de sécurité lors des déplacements. Mais avec la possible arrivée de nombreux nouveaux pratiquants après le 11 mai, le respect des gestes barrière et des distances de sécurité sera-t-il toujours aussi évident?

Le vélo, facteur de distanciation sociale. Pendant le confinement, mais encore plus à partir du 11 mai, la bicyclette est mis en avant comme un mode de déplacement évitant la proximité des transports en commun.

"[La ministre des Transports, ndlr] Elisabeth Borne reconnait que faire du vélo est un geste barrière en temps que tel, résume cette semaine dans une vidéo Olivier Schneider, le président de la Fédération des Usagers de la Bicyclette (FUB). Premièrement quand on prend le vélo, on n’a pas de risque de se contaminer par contact avec des surfaces ou par voie de gouttelettes, ni de contaminer les autres. Et en plus on libère des places dans les transports en commun pour celles et ceux qui n’ont pas d’autres choix que de les prendre".

La FUB a travaillé avec le gouvernement pour mettre en place un plan de soutien à la pratique du vélo après le confinement. Les pratiquants au quotidien du vélo semblent adhérer au slogan lancé par plusieurs associations: "Pour se protéger et protéger les autres, le vélo est mon geste barrière".

Geste barrière vélo
Geste barrière vélo © FUB

Des pistes cyclables provisoires plus larges

Selon le dernier Observatoire du cycle publié cette semaine, 96% des personnes interrogées* considèrent "le vélo comme un outil pertinent de distanciation sociale". Alors que les associations estiment que rien qu’à Paris, le nombre de cyclistes du quotidien pourraient augmenter de plusieurs dizaines de milliers, comment s’assurer de bien pouvoir se déplacer sans être serrés comme des sardines aussi sur les pistes cyclables à partir du 11 mai?

C’est tout l’enjeu de la mise en place de pistes cyclables provisoires pour accueillir ces nouveaux "vélotaffeurs". Les premières commencent à être installées ces derniers jours en région parisienne. Certaines sont déjà en fonction, par exemple à Montpellier ou à Grenoble. Si, dans certains cas, l’installation de pistes provisoires matérialise pour la première fois une piste cyclable, ces travaux visent aussi à élargir les voies déjà installées afin de respecter les distances de sécurité imposées face au covid-19, avec comme donnée supplémentaire un plus grand nombre de cyclistes.

Les ingénieurs du Cerema, qui ont dévoilé lundi un guide d’aménagement pour l’urbanisme tactique, estiment que des pistes unidirectionnelles de 2,5 mètres de large assureront suffisamment d’espace entre chaque utilisateur.

"Il n’y a pas de proximité immédiate à vélo, il est relativement facile de respecter deux à trois mètres de distance entre chacun", nous explique Jean-Sébastien Catier, porte-parole de l’association Paris en Selle.

10 mètres, 20 mètres entre deux cyclistes

Une étude belgo-hollandaise avait cependant soulevé des questions il y a quelques semaines. Certes critiquée pour son manque de rigueur, cette étude soulignait qu’à vélo, une distance de 20 mètres était préconisée quand deux cyclistes se suivent afin d'éviter la projection des gouttelettes de l’un à l’autre, projection possible dans le sillage du cycliste qui précède.

"C’est injouable si on laisse 20 mètres entre nous, résume Jérôme Sorrel, auteur de l'ouvrage Vélotaf: mode d’emploi du vélo au quotidien. Les cyclistes ne sont pas forcément beaucoup plus disciplinés que les automobilistes. Dès qu’un espace se créera, ils vont s’y frayer un chemin. On peut retourner le problème dans tous les sens, le vélo reste la moins difficile des solutions".

L’étude belgo-hollandaise se basait sur des pratiques plutôt sportives, du jogging au vélo. Si elles ne vont pas aussi loin, les dernières consignes du ministère des Sports en France demandent aux cyclistes de se tenir à une distance minimum de 10 mètres les uns des autres. Soit l'équivalent de deux grosses voitures l'une derrière l'autre.

"La vitesse des cyclistes en ville est dans leur grande majorité modérée, et la distance de 10 mètres en retrait derrière un cycliste est souvent pratiquée par les cyclistes. L'important est de se décaler suffisamment tôt lors d'un dépassement pour ne pas se trouver dans la trainée du cycliste qui est devant. En revanche, il faut que l'aménagement soit suffisamment large pour que le cycliste puisse rester à une distance latérale suffisante quand il dépasse", nous explique un ingénieur du Cerema.

D’où la recommandation de pistes cyclables assez larges, voire de rues totalement réservées au vélo quand elles sont étroites, pour accueillir de nouveaux cyclistes tout en respectant les distances. De quoi également accueillir des piétons pour ne pas les laisser s'entasser sur des trottoirs étroits.

Malgré ces précautions, certains manifestent leur inquiétude sur les réseaux sociaux face au respect des distances de sécurité, notamment à l’arrêt, comme le montre le tweet ci-dessous. Certains se souviennent de la foule sur certaines pistes à Paris en décembre dernier pendant les grèves. Bien qu'à l'air libre, l'un des avantages du vélo par rapport au métro ou au bus par exemple, la proximité peut actuellement faire peur.

"La grande différence par rapport à décembre, rappelle un membre de la FUB, c'est que les aménagements seront plus nombreux, les pistes plus larges qu'il y a quelques mois. La situation est très différente".
"Il ne faudra pas s’agglutiner aux feux rouges, résume Jérôme Blanc, co-fondateur de Tims Sports, qui propose des flottes de vélos et vélos de fonction. Nous devons aussi mettre en place les gestes barrière à vélo".

Un masque à vélo ?

Ce qui pose rapidement aussi la question du port ou non du masque lors des déplacements à vélo.

"Le masque en tissu posé sur le nez et la bouche, si vous allez doucement et en vélo électrique pourquoi pas, mais on atteint vite la limite de l’exercice, nous explique Jérôme Sorrel. C'est très difficile de faire du vélo avec un masque classique. Je pense que la vraie solution, ce sont des masques avec des visières, un peu comme pour les motos".

Sauf que ces masques spécialisés et certains masques dédiés à la pratique du vélo dans la circulation sont introuvables. Ils ont dévalisé face au manque de masques depuis le début de l’épidémie. 

Plusieurs médecins interviewés par nos collègues de RMC Sport mettaient eux en avant leur réticence à voir les coureurs porter un masque pour faire leur jogging par exemple. Si sur les pistes cyclables provisoires, la plupart des nouveaux cyclistes ne se prendront pas pour Chris Froome, une trop forte affluence dans les prochaines semaines pourrait inquiéter certains néo-cyclistes sur les conduites à tenir. Afin de les rassurer, la FUB travaille actuellement à la mise à jour de son guide du cycliste urbain pour les aider à se mettre au vélo ces prochaines semaines. Il sera disponible d'ici une dizaine de jours.

* Etude réalisée entre le 29 avril et le 3 mai sur 1500 personnes par Cycling Heroes, en majorité des cyclistes sportifs et engagés, explique l’Union Sport & Cycle dans sa présentation.

Pauline Ducamp