BFM Business
Auto

Jamais la France n'a compté autant de voitures et pourtant les stations-service vendent moins de carburant

Les Français roulent moins, mais possèdent plus de véhicules.

Les Français roulent moins, mais possèdent plus de véhicules. - AFP

La consommation de carburants a reculé ces derniers mois en France. Une tendance qui peut dérouter, le nombre de véhicules en circulation continuant, lui, de progresser. Décryptage.

"Une mesure qui marche", voilà comment le Premier ministre Edouard Philippe a qualifié ce mardi la prime à la conversion. Après les 295.000 véhicules mis à la casse l’an dernier, ce sont cette année 400.000 voitures qui devraient bénéficier du dispositif. "Il faut continuer à travailler sur le moyen, et le long terme, pour libérer les Français du pétrole, [...] et c’est la politique que nous menons pour permettre aux Français de changer de voiture, expliquait ainsi le ministre de la Transition écologique François de Rugy.

Or, si la prime à la conversion est saluée par les particuliers comme par les professionnels, la transition écologique n’en est qu’à ses balbutiements. La consommation de carburants a certes baissé au 1er trimestre, par rapport à la même période 2018. Mais dans le même temps, le parc automobile a continué à progresser.

Un parc automobile qui augmente, surtout en essence

Il y a en effet plus de véhicules sur les routes de France qu’à la fin 2017. Selon des données de notre partenaire AAA Data, 1,6 million de véhicules ont rejoint le parc de véhicules légers entre fin 2017 et mars 2019. Ainsi, 61,23 millions de véhicules (voitures particulières, utilitaires légers, utilitaires) roulent aujourd’hui en France. Un niveau sans précédent. Si cette augmentation tient à la reprise de l’activité économique, elle montre surtout que les Français ont de plus en plus souvent besoin de plusieurs voitures par foyer.

"Depuis plusieurs années, la croissance du parc tient à la multi-motorisations, résume François Roudier, porte-parole du Comité des Constructeurs Français d’Automobiles (CCFA). Les ménages sont obligés d’habiter de plus en plus loin des centres d’activité, dans de nouvelles zones urbanisées, un phénomène qui se trouve d’ailleurs derrière le phénomène des gilets jaunes. En conséquence de cet éloignement, ils ont plusieurs voitures".

Ces voitures sont aussi de plus en plus souvent des modèles essence, avec seulement 34% d’achat de voitures diesel neuves depuis le début de l’année, selon le CCFA. En moins d’un an et demi, 1,12 million de véhicules essence ont ainsi rejoint le parc, quand seulement 265.000 nouveaux diesel ont été immatriculés.

"Entre le moment où la structure des ventes change et où celle du parc évolue, il y a un écart. Nous ne sommes qu’au début d’un changement de structure du parc", nous explique Flavien Neuvy, président de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile.

Une consommation de carburant qui recule doucement

Ce désamour pour le diesel se fait aussi sentir dans la consommation de carburant. Selon des chiffres de l’Union Française des Industries Pétrolières (UFIP), la consommation de gazole a baissé de 4% entre le premier trimestre 2018 et le premier trimestre 2019, poids lourds compris. Celle de sans-plomb 95 a en revanche bondi de 8,1%. Mais, au global, les Français ont moins rempli leurs réservoirs au 1er trimestre: -2% (gazole + SP95) sur un an.

En cause, des voitures récentes moins gourmandes, mais surtout des Français qui essaient d’utiliser moins leur voiture. Selon des chiffres de l’Observatoire Cetelem, les Français roulent en moyenne 13.000 kilomètres par an, soit environ un millier de kilomètres de moins qu’il y a une décennie. L’Insee recense cependant 82% de trajets contraints, c’est-à-dire où les Français ne peuvent se déplacer qu’en voiture, d’où la hausse du parc.

"Chaque véhicule parcourt moins de kilomètres, car les foyers ont par exemple un SUV, pour partir en vacances, et une petite voiture un peu âgée pour le quotidien", indique François Roudier. Mais deux véhicules représentent deux fois plus de frais… Et les professionnels soulignent que certains clients, passés du diesel à l’essence, regrettent leur choix, malgré l’alignement du prix entre SP95 et diesel. Intrinsèquement, un véhicule roulant au gazole consomme moins qu’une essence, et coûte donc moins cher.

Reste qu'un seul facteur pourrait bien primer sur tout le reste: la réglementation. De plus en plus de villes, comme Paris, ont pour objectif à moyen terme l'interdiction des véhicules thermiques. 

Pauline Ducamp