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Faut-il avoir une caméra embarquée dans sa voiture? 

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Courantes dans d'autres pays, notamment en Russie et aux Etats-Unis, les dashcam (caméras embarquées filmant la route) embarquées dans les véhicules se démocratisent en France. Mais quel est l'intérêt de ces dispositifs pour les conducteurs, et pour les assurances?

Tout le monde a à l'esprit les images virales d'accidents filmés, notamment en Russie, à l'aide de caméras embarquées. Conçues pour filmer du point de vue du conducteur la route, enregistrer des images et ainsi avoir une preuve visuelle de l'environnement rencontré au volant, ces "dashcam" se démocratisent aussi en France.

Dans de nombreux pays, l'usage de caméras par les conducteurs est un moyen de protection contre les comportements dangereux, les tentatives d'arnaque à l'assurance, ou encore la corruption policière. Ce système puise ses origines dans les caméras imposées aux patrouilles de police américaine. 

Un outil qui a ses avantages...

Ces caméras peuvent donc aider à prouver sa bonne foi en cas de litige, comme l'explique Maître Rémy Josseaume, avocat à la cour et spécialiste du droit routier: "Pénalement, la preuve est libre. Cela veut dire que vous pouvez présenter une vidéo au juge pour argumenter en votre faveur". Pour le spécialiste du droit routier, ce dispositif peut être utile en cas de litige avec les forces de l'ordre "pour contester la responsabilité dans un accident, un stop grillé ou bien un feu de signalisation". 

...mais qui peut se retourner contre vous

Attention néanmoins, comme le rappelle Rémi Josseaume, si la "preuve est libre", le juge est tout aussi libre de recevoir cette preuve. Le juge, comme l'avocat de la partie adverse, en cas de procès, peut tout aussi bien contester la fiabilité de la dashcam. Premièrement, précise Rémi Josseaume, "l'axe de vue de la caméra n'est pas totalement celui du conducteur, elle a une plus grande profondeur, sa propre réalité."

On peut donc estimer que la dashcam peut être trompeuse dans certaines situations. L'avocat ajoute: "le juge peut estimer que rien ne prouve que la vidéo est fiable." Ou qu'elle n'est pas falsifiée, antidatée. Plus problématique, une caméra présente dans votre véhicule peut être saisissable, et "révéler tout autre chose", estime l'expert. Les enquêteurs peuvent tomber sur un délit filmé et accompli depuis votre voiture, du pain béni. Dans ce cas, un outil dans lequel un conducteur investit pour se protéger peut littéralement se retourner contre lui. 

La dashcam, pas vraiment dans le coeur des assureurs

Comme Stéphane Pénet, de la Fédération Française des Sociétés d'Assurance, l'explique à BFMTV, "nous avons les constats à l'amiable, les PV des forces de l'ordre, des rapports d'expertise" pour examiner les cas. Il poursuit: "Nous n'avons pas énormément de litiges majeurs en cas de d'établissement de responsabilité". Dès lors, les mérites des dashcam ne sont pas vantés par les assureurs. Mais derrière cela se cache une autre logique pour Rémi Josseaume: "Les assurances préfèrent se contenter du constat à l'amiable".

Pour ce dernier, les assureurs ne goûtent pas au recours à des caméras embarquées qui "allongent les délais de traitements de litiges" et "complexifient" les dossiers. Surtout, l'avocat avance un argument qui fait encore plus sens, pour comprendre l'attitude frileuse des professionnels du secteur: "Les assurances ne sont pas forcément dans la recherche de la vérité, elles préfèrent une situation où la responsabilité se partage rapidement, à 50/50, plutôt que prendre le risque de tout devoir assumer." 

Laisser l'accès aux données du véhicule pour ajuster les prix des assurances: un risque ?

L'avocat met aussi en garde contre le risque que cela peut représenter de permettre aux assurances d'accéder aux données du véhicule. Rémi Josseaume est dubitatif quant aux bénéfices que peuvent en tirer les conducteurs. "On dit que c'est dans l'intérêt des automobilistes de permettre aux assurances d'avoir accès aux données des voitures, mais c'est de la vraie discrimination, un scandale, ajoute-t-il. C'est déjà peu fiable pour pouvoir juger la conduite d'un client, car plusieurs personnes peuvent conduire un même véhicule".

Si les assureurs estiment pouvoir faire baisser les prix de certains contrats, d'autres assurés pourraient voir le coût du leur considérablement augmenter avec ce système, voir même être radiés. D'où la méfiance de Rémi Josseaume, qui conclut en dressant un parallèle avec les caméras de sécurité: "Elles étaient vantées pour permettre de prévenir les crimes et délits, mais au final, elles servent plus à verbaliser les automobilistes". Il y aurait peut-être alors plus à perdre qu'a gagner, pour les usagers.