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Essai - Porsche Cayenne, le sacrilège devenu culte

Plus de 15 ans après sa naissance, le Porsche Cayenne entre dans sa troisième génération.

Plus de 15 ans après sa naissance, le Porsche Cayenne entre dans sa troisième génération. - JB

En "commettant" un SUV baptisé Cayenne en 2002, Porsche s'était attiré les foudres de ses plus fervents admirateurs ne jurant que par la 911. Mais pas des acheteurs de voitures neuves puisque ce modèle a connu un succès commercial notable depuis son lancement. Il rattrapera d'ailleurs bientôt la mythique sportive en termes d'exemplaires vendus. Alors qu'il entre dans sa troisième génération, que vaut ce nouveau Cayenne?

Si aujourd'hui Porsche s'impose comme l'un des constructeurs les plus profitables au monde, cela n'a pas toujours été le cas. Au début des années 90, la marque en difficulté cherche à étendre sa gamme qui se limite à un modèle certes culte, mais à faible volume, la 911. Pour proposer une alternative moins onéreuse, Porsche lance donc en 1996 un petit coupé sportif, le Boxster. Mais toujours sur un marché assez limité, on ne peut pas encore parler d'explosion des volumes de production. Ce sera le cas quelques années plus tard, avec une étincelle nommée Cayenne.

Le Cayenne (en blanc ici) c'est la vision de Porsche du véhicule tout-terrain. Un tel succès que la marque allemande lui a donné un petit-frère, le Macan (en gris devant).
Le Cayenne (en blanc ici) c'est la vision de Porsche du véhicule tout-terrain. Un tel succès que la marque allemande lui a donné un petit-frère, le Macan (en gris devant). © JB

Mais pourquoi le Porsche Cayenne ?

Parce que Porsche se cherchait justement un best-seller: le Messie débarque en 2002 sous les traits d'un véhicule tout-terrain. Oui, on ne parle pas encore vraiment de SUV à cette époque. Le Cayenne vit alors un petit chemin de croix, avec une haine des fidèles Porschistes proportionnelle à leur amour pour la mythique 911 et qui n'hésitent pas à crier au sacrilège. Malgré cet accueil difficile, le Cayenne se trouve rapidement des adorateurs. On peut même parler de mouvement religieux à part entière. Il s'impose ainsi 16 ans après son lancement comme l'un des plus grands succès de Porsche, avec plus de 770.000 Porsche Cayenne ayant trouvé preneurs depuis 2002.

Avec la mode des SUV, en particulier dans le premium, le succès ne se dément pas. Le Cayenne s'est ainsi imposé comme le best-seller de Porsche entre 2002 et 2014. Depuis, c'est son petit frère, le Macan, qui lui a volé la vedette. Si ses ventes ont logiquement reculé avant son remplacement, Porsche a tout de même vendu 65.000 Cayenne en 2017 dans le monde, soit un quart de ses ventes (et 2400 en France). Au point que le "jeune Cayenne" rattrape de manière inéluctable l'éternelle 911, produite depuis 1963. Si la sportive a fêté l'an dernier son millionième exemplaire produit, les deux modèles ne jouent pas dans la même cour. En Europe, l'an dernier, il s'est vendu 4,56 millions de SUV, contre 115.000 sportives, d'après les chiffres du cabinet Jato Dynamics.

  • Pour rassurer les Porschistes, le Cayenne dispose tout de même d'un ADN sportif qui reste dans la droite lignée des précédents modèles de la marque. Et on rappellera cette citation de Ferry Porsche, fils du dieu-créateur Ferdinand, qui avait prédit ce succès à venir dans une interview publiée en janvier 1989:

"Si nous construisons un véhicule tout-terrain selon notre conception de la qualité et portant la signature Porsche à l'avant, il se vendra."

Si c'est Ferry qui le dit. Le meilleur argument reste toutefois que sans Cayenne (et Macan), Porsche ne pourrait peut-être plus produire de 911.

La face avant reste dans la continuité de la précédente version.
La face avant reste dans la continuité de la précédente version. © JB

Au volant

Comme souvent, les apparences sont trompeuses. Si dans son aspect extérieur, ce Cayenne troisième génération a peu évolué par rapport au précédent, Porsche a en réalité complètement revu l'architecture du véhicule. Il profite ainsi d'une nouvelle plate-forme du groupe Volkswagen, celles sur lesquelles reposent ses futurs concurrents: les Bentley Bentayga, Audi Q7 et Lamborghini Urus. Elle lui permet notamment de poursuivre son régime minceur impressionnant: tout en ayant grandi et grossi par rapport aux précédentes génération, il perd 68 kg pour passer sous la barre symbolique des 2 tonnes en poids à vide.

Parmi les principaux changements, on notera des feux full LED à l'avant, avec la signature à quatre feux. A l'arrière, on retrouve des feux bien plus effilés et la bande lumineuse continue qui caractérise les derniers modèles Porsche comme la Panamera. Et rappelle clairement le design de la dernière génération de 911.

  • Le design s'affine, de quoi, là aussi, tromper nos sens: ce Cayenne est plus grand que le précédent (+63 mm, il dépasse désormais les 4,90 mètres), plus large (+23 mm) et un poil plus bas (-9 mm): de quoi gagner 100 litres en espace de coffre pour s'afficher à 770 litres. Le confort est également renforcé pour les passagers arrière. De quoi renforcer les arguments du Cayenne sur les deux critères qui le distinguent du Macan: l'habitabilité à l'arrière et un plus grand coffre.
A l'arrière, on retrouve la bande lumineuse continue comme sur la dernière Panamera. Porsche a réussi le coup de maitre d'inscrire sa grande berline, ou son grand SUV, dans l'ADN de la 911: ce design s'inspire en effet de celui du coupé dernière génération.
A l'arrière, on retrouve la bande lumineuse continue comme sur la dernière Panamera. Porsche a réussi le coup de maitre d'inscrire sa grande berline, ou son grand SUV, dans l'ADN de la 911: ce design s'inspire en effet de celui du coupé dernière génération. © JB

Côté performances, Porsche fait du downsizing comme on l'aime, avec des moteurs de plus petite cylindrée mais qui gagnent en puissance. L'offre démarre sur le Cayenne "de base" (77.184 euros tout de même) avec un V6 turbo de 3 litres développant 340 chevaux et 450 Nm. Sur cette version, on ressent déjà une bonne poussée à l'accélération avec un 0 à 100 km/h annoncé en 6,2 secondes et une vitesse de pointe à 245 km/h. Le mode sport apporte un gain non-négligeable. Seule la sonorité peut être perçue comme un peu décevante par rapport aux versions plus musclées.

Les deux autres versions proposées au lancement: le Cayenne S avec un V6 biturbo de 2,9 litres 440 chevaux emprunté à Audi, et le Cayenne Turbo avec son V8 biturbo de 4 litres développant 550 chevaux. Pour les performances, c'est assez simple, il suffit de retirer 1 seconde de moins au 0 à 100 km/h et ajouter 20 km/h à la vitesse de pointe par rapport au Cayenne de base: soit 5,2 secondes - 265 km/h pour le "S", 4,1 secondes - 286 km/h pour le "Turbo". Ce dernier est déjà plus performant que le précédent "Turbo S" et donc candidat à un temps record dans la catégorie SUV sportif sur le circuit de référence du Nürburgring.

Toutes ces motorisations, qui seront bientôt rejointes par des diesel et de l'hybride, sont associées à la boîte Tiptronic 8 vitesses en transmission intégrale, beaucoup plus adaptée au tout-terrain et au tractage qu'une PDK. Lors de la conduite, cette transmission s'est montrée particulièrement efficace et nettement plus réactive en mode sport.

Ce nouveau Cayenne débute sa carrière avec trois motorisations uniquement essence: deux V6 et un V8.
Ce nouveau Cayenne débute sa carrière avec trois motorisations uniquement essence: deux V6 et un V8. © Porsche

A noter qu'en mode normal, il est possible d'appuyer sur un bouton "Sport Response" au centre du sélecteur sur le volant (le même qu'on trouvait à l'origine sur la 918 Spyder). Il permet de disposer de toute la puissance pendant 20 secondes, avec un compte à rebours qui apparaît à l'écran. De quoi profiter d'un boost provisoire, pour un dépassement par exemple, sans entrer dans une dérive de la consommation qu'implique le passage en mode sport.

Oubliez le mode éco, vous roulez en Porsche. C'est la boîte qui s'occupe de limiter la consommation: sur voie rapide, elle reste en 6e pour atteindre la vitesse désirée, puis utilise le 7e et le 8e rapport une fois le rythme de croisière atteint. En mode normal, le niveau d'insonorisation permet de profiter d'un voyage au calme, en mode sport, et d'autant plus avec la version Turbo, le ronronnement du moteur vous tiendra compagnie. 

Nous avons pu tester brièvement les capacités de notre Porsche tout-terrain en s'aventurant sur un chemin de terre. Oui l'expérience fut limitée... S'il reste difficile d'apprécier donc le réel côté baroudeur sur notre parcours, le confort reste de mise et différents modes sont proposés: gravier et pelouse humide (gravel), boue et chemins forestiers (mud), sable (sand) et terrain rocailleux (rock)... mais, étrangement, pas de neige. Il faut le savoir mais d'après Porsche, c'est le mode "Mud" qui correspond au plus faible niveau d'adhérence qui faut utiliser dans ce cas précis... ce que nous n'avons pas pu vérifier faute de neige lors de nos essais réalisés au Portugal (mais en plein "enfer blanc" dans notre chère patrie).

Très luxueux, l'intérieur a été épuré avec bien moins de bouton,s que la précédente génération.
Très luxueux, l'intérieur a été épuré avec bien moins de bouton,s que la précédente génération. © Jb

A l'intérieur, le cuir est omniprésent et les finitions de très haut niveau, renforçant l'impression de confort. C'est beaucoup plus classique que dans le dernier DS7 Crossback mais toujours diablement efficace. La console centrale a été épurée avec des raccourcis vers les fonctions principales, mais plus vers chacune des possibilités offertes (et qui se comptent par dizaines dans des véhicules modernes et encore plus dans le premium).

Du côté des équipements, l'écran central 12 pouces affiche un niveau de définition impressionnant et permet de profiter des nombreuses aides à la conduite, au stationnement notamment avec de nombreuses caméras permettant d'effectuer ses manœuvres en toute sérénité. L'assistance au maintien de voie est un peu décevante avec une trop légère correction des trajectoires, mais le Porschiste (même en Cayenne) n'est sans doute pas prêt à lâcher le volant à une machine, même sur autoroute et avec le régulateur activé.

Au centre des compteurs, le compte-tours reste analogique. Il est entouré de deux écrans haute définition et personnalisable, idéal pour avoir la navigation d'un côté, un compteur de vitesse ou des données de consommation de l'autre.

Si l'interface numérique de Porsche sur l'écran tactile se montre très réactive et agréable d'utilisation, Porsche propose tout de même Carplay pour les propriétaires d'iPhone. Mais pas d'Android Auto à l'horizon. Explication officielle: une bataille des données avec Google (mais pas avec Apple?). Explication plus réaliste: un niveau de qualité de la version automobile d'Android pas assez raccord avec le standing de Porsche (imaginez un Waze basse définition sur le magnifique écran), sachant qu'on retrouve aussi ce "Carplay only" chez un certain Ferrari dans sa GTC4 Lusso.

Les nombreuses aides au stationnement permettent de se faufiler sans crainte.
Les nombreuses aides au stationnement permettent de se faufiler sans crainte. © JB

"LE" truc en plus: un peu de 911 dans le Cayenne

Si comme Ferry Porsche, vous avez des enfants (ou d'autres choses à mettre à l'arrière) ou besoin d'espace dans le coffre, vous serez sans doute content de troquer votre 911 pour un Cayenne. Pour éviter que le choc soit trop difficile à vivre, la marque allemande a créé une véritable filiation entre les deux modèles avec le pack "Sport Chrono" en option à 1.104 euros.

En plus du sélecteur de modes sur le volant façon 918 Spyder et 911, ce Cayenne récupère en effet des pneus mixtes (les roues arrières sont plus larges que celles à l'avant) et les roues arrière directrices. En plus d'améliorer la précision dans les virages serrés et la stabilité dans les courbes rapides, ce système renforce aussi son agilité en milieu urbain, et qui est déjà très bonne pour un véhicule de ce gabarit. Le diamètre de braquage passe ainsi de 12,1 à 11,5 mètres.

  • Autre possibilité inédite sur un SUV: profiter d'un becquet de toit adaptatif. D'après Porsche, cela permet d'améliorer les performances en renforçant l'appui aérodynamique mais aussi le confort avec un bruit réduit lorsque l'on roule à haute vitesse avec le toit panoramique ouvert. Plus drôle: les ingénieurs de Porsche y voit également un gain en termes de sécurité, avec une distance de freinage à 200 km/h réduite de... 2 mètres.
A l'arrière du nouveau Cayenne, on retrouve un becquet de toit adaptatif.
A l'arrière du nouveau Cayenne, on retrouve un becquet de toit adaptatif. © Porsche

"LE" chiffre : 10.500

C'est en euros, le malus qu'il faudra forcément ajouter pour s'offrir un Cayenne en 2018 en France. La version la moins puissante émet en effet déjà 205 à 209 grammes de CO2 (selon le choix des jantes 19 ou 21 pouces), soit déjà au-dessus du plafond 2018 fixé à 185 grammes.

Le prix (sans options) du Cayenne de base passe ainsi à 78.684 euros, celui du "Cayenne S" à 104.964 euros et celui du Cayenne Turbo passe la barre symbolique des 150.000 euros. En attendant la version hybride, il n'y a donc pas moyen d'échapper au malus avec ce Cayenne. Les acheteurs se consoleront par l'obtention d'une vignette Crit'Air 1, à laquelle tous les modèles essence récents sont éligibles.

Pour préserver la nature, l'acheteur de Cayenne paye son malus plein pot.
Pour préserver la nature, l'acheteur de Cayenne paye son malus plein pot. © JB

Nos versions d'essai: Porsche Cayenne V6 turbo 340 ch, Cayenne S V6 biturbo 440 chevaux et Turbo V8 biturbo 550 chevaux

Julien Bonnet