Essai - Hyundai Nexo, l'hydrogène ou le zéro émission des gros rouleurs
Partir en vacances en voiture zéro émission, c’est l’une de nos lubies à la rédaction de BFM Auto. Après avoir expérimenté le trajet vers les Alpes françaises en Tesla Model X, un modèle électrique à batterie, nous avons testé cette année les routes sinueuses de Norvège pour gagner le comté de Telemark depuis la capitale Oslo. Pourtant dans l’autre royaume de Tesla avec sa Californie natale, nous avons choisi un modèle un peu différent: une voiture à pile à combustible, le nouveau Hyundai Nexo.
Mais pourquoi... le Nexo?
Parce qu’en 2013, il y eut le ix35 Fuel Cell. Le groupe coréen Hyundai-Kia croit en effet depuis plusieurs années en la technologie de la pile à combustible, même s’il développe en parallèle toute une gamme électrique de véhicules à batterie. Après avoir donc mis au point une première génération de chaîne de traction à hydrogène, comme une flotte de tests à grande échelle en modifiant un véhicule à moteur thermique déjà existant (le ix35 donc), Hyundai a choisi de développer une voiture à pile à combustible à partir d’une feuille blanche.
Première (et principale) contrainte: le Nexo devait intégrer les réservoirs d’hydrogène, sans déséquilibrer le centre de gravité du véhicule. Au nombre de trois, ils ressemblent à de grosses bouteilles de plongée, placés sous le coffre et les places arrière. Chacun peut contenir 2 kilos d’hydrogène. Leur structure doublée en carbone assure la sécurité du transport d’hydrogène. Ce gaz est inflammable, très volatile s’il s'échappe. Les valves de sécurité protègent de ce phénomène, l’hydrogène est ainsi conservé à une pression de 700 bars.
Deuxième contrainte pour le Nexo: offrir une véritable autonomie. Hyundai revendique 666 kilomètres pour son SUV, (voir ‘LE’ chiffre ci-dessous) selon le nouveau cycle d’homologation WLTP. C’est tout simplement le double de celle d’une voiture électrique à batterie. Et donc le gros avantage de l’hydrogène.
SUV par essence, le Nexo limite les dégâts en terme de taille (1,63 mètre en hauteur), avec une aérodynamique travaillée. Il dispose de nombreuses entrées d’air, comme la grille à l’avant ou une coulée d’air de chaque côté. Pour gagner en autonomie, Hyundai a surtout travaillé sur l’amélioration de la gestion et du rendement du groupe moto-propulseur. Il est composé de la pile à combustible (installée sous le capot), d'un moteur électrique, d'une batterie tampon, puis de réservoirs. Ce qui nous intéresse pour parcourir un long trajet.
Hyundai s’est alors servi des données collectées en permanence sur les flottes de ix35 partout dans le monde. En France, 77 SUV Hyundai sont sur les routes, sur les 170 véhicules particuliers du genre en circulation, selon des chiffres de notre partenaire, spécialiste de la donnée AAA Data.
Hyundai a donc voulu une voiture à hydrogène grand public, plus seulement un prototype destiné à quelques flottes. Ce véhicule arrive sur le marché, alors que la voiture électrique à batterie pose de nombreuses questions sur l’extraction de métaux rares ou de cobalt pour l’alimenter.
A contrario, l’hydrogène peut en théorie être produit en quantité illimitée, n’importe où, à partir d’énergies renouvelables. Cependant, pour le moment, l'extraction reste onéreuse et très polluante. Le transport comme le stockage en station s'avèrent aussi compliqués. D’une solution hypothétique, les gouvernements comme les industriels commencent pourtant à la considérer comme une brique intéressante de nos transitions énergétiques, à condition de produire l'hydrogène à partir d'énergies renouvelables.
Début juin, le ministre Nicolas Hulot a ainsi annoncé un plan hydrogène, qui pour sa partie automobile, prévoit la circulation de 5.000 voitures et l’installation de 100 stations en France d’ici 2023 (certes, sur un parc de quelque 38 millions de voitures). L’Allemagne a également lancé un plan d’installation de 100 stations dès cette année sur son territoire. Hyundai l’a bien compris. Le constructeur coréen et l’allemand Audi viennent ainsi d'annoncer une collaboration sur les véhicules à hydrogène.
Au volant du Nexo
Les amateurs de grands SUV ne seront pas dépaysés. Le Nexo offre une très belle palette d’équipements, le conducteur est assis en hauteur, et l’espace aux places arrière comme dans le coffre (461 litres minimum) est appréciable. Au volant, le Nexo a tous les avantages d’une voiture électrique. Avec 402 Nm de couple, il fait oublier ses quelques 1.800 kg. Les accélérations sont franches, une voiture électrique délivre en effet tout le couple immédiatement (pour information, il passe de 0 à 100 km/h en 9,5 secondes). Il se montre très maniable, avec un rayon de braquage convenable qui ne le rend pas trop encombrant malgré ses 4,67 mètres (l’équivalent d’un Renault Koleos ou d'un Peugeot 5008). Hyundai a limité sa vitesse de pointe à 179 km/h, mais à 130, cela ne se sent pas. Toutes ces qualités en font le partenaire des longs trajets. Après 3 heures et demi de route le long d’un fjord, aucune sensation d’inconfort ne survient. D’autant plus que le véhicule est très silencieux, grâce à l’absence de moteur thermique, assortie d’une belle qualité de finition.
Avec tout ce confort, et donc la consommation d’énergie inhérente, la réelle inconnue venait donc bien de l’autonomie réelle du Nexo. C’est la bonne surprise. Avant de prendre la route, direction la station à hydrogène, l’une des deux installées à Oslo. Les automobilistes ne seront pas vraiment déstabilisés.
Tout d’abord, il faut ouvrir la trappe à carburant qui donne sur une valve sécurisée. Le pistolet se branche sur la valve, et se verrouille. Dès que le paiement par carte bancaire est effectué, il faut appuyer sur la gâchette du pistolet pour enclencher le plein. Le réservoir se remplit, avec quelques pauses pour laisser le temps au système de compresser l’hydrogène. Avec quelques difficultés de branchement, nous avons passé une dizaine de minutes en station.
L’autonomie annoncée après notre plein affiche au compteur 567 kilomètres. Nous en avons au total effectué 380. Au retour, le Nexo nous annonçait encore 252 kilomètres possibles. En moyenne, Hyundai compte un kilo d’hydrogène pour parcourir 100 kilomètres, notre efficience fût meilleure. C’est la bonne surprise de cet essai.
‘LE’ truc en plus: le rétroviseur derrière le volant
Ce qui apparaissait comme un gadget se révèle en fait particulièrement intéressant. Quand le conducteur enclenche le clignotant, l’image pris par une caméra située du même côté sous le rétroviseur apparaît au centre de l’écran basé derrière le volant. C’est ultra-pratique pour voir ce qui se trouve ou arrive derrière au niveau des bas de caisse. Cela ne dispense bien entendu pas de regarder autour du véhicule, mais l’aide est réellement précieuse pour apprécier un éventuel danger.
‘LE’ chiffre: 72.000
C’est le prix en euros du Nexo, hors prime écologique. En France, il peut bénéficier de 10.000 euros de subvention (bonus écologique et prime à la conversion). En Norvège, où l’Etat a fortement subventionné les voitures zéro émission, deux jours après l’ouverture des commandes, 85 Nexo avaient déjà été vendus. Avec ce tarif, L’hydrogène reste cependant une innovation très onéreuse. Produire de l’hydrogène coûte aujourd’hui très cher, car il reste assez rare. Cette production est aussi polluante car il faut pour cela craquer des molécules de gaz. Installer des stations coûtent aussi cher, plus d’un million d’euros minimum. Le plein de notre véhicule a pour toutes ces raisons coûté environ 60 euros.
Comme la technologie des véhicules est aussi en plein développement, elle coûte très chère. Résultat: c’est le syndrome de la poule et l’œuf. Installer des stations représentent un vrai coût, comme il y a peu d’utilisateurs, les autorités hésitent. Mais comme il y a peu de station, avec un plein aussi cher qu’un plein d’essence, les clients risquent de ne pas se bousculer au portillon. Sans parler de la question de l’entretien. Comme pour une voiture électrique, il serait moins onéreux (pas besoin de vidange, pas de problème de boîte mécanique etc.), mais en 2018, ce ne sont que les prémices. Hyundai garantit 5 ans le Nexo, et 8 ans la pile. Il promet une durée de vie équivalente à une voiture thermique.
Notre modèle à l’essai : Hyundai Nexo 163 chevaux à hydrogène avec l’unique finition Executive - tarif : 72.000 euros (hors prime écologique)
L’hydrogène, comment ça marche?
Le fonctionnement de cette voiture à hydrogène est simple. Sous le capot, à la place du moteur, se trouve une pile à combustible conçue par le groupe Hyundai-Kia. L’air entre par la grille à l’avant, dans la pile. L’hydrogène vient des réservoirs arrière. Quand air et hydrogène se rencontrent sous le capot, la réaction chimique crée de l’électricité, pour alimenter le moteur électrique de la voiture. Elle crée aussi de l’eau, seul rejet de ce gros SUV. Une batterie tampon sert de relais pour la récupération de l’énergie au freinage. Hyundai joue la carte environnementale à fond. Les compteurs numériques précisent toujours quand la voiture récupère de l’énergie ou consomme de l’hydrogène. Plus original, l'écran donne aussi le niveau de CO2 qui n’a pas été émis, comme le Nexo ne rejette que de l’eau. Ainsi, pour 380 kilomètres, ce sont 54,4 kilos de CO2 qui n’ont pas été rejetés dans l’atmosphère.