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En 2018, Tesla a détrôné les berlines allemandes avec sa Model 3

La Tesla Model 3, ici exposée au dernier salon de Los Angeles, serait la numéro 1 des ventes premium aux Etats-Unis.

La Tesla Model 3, ici exposée au dernier salon de Los Angeles, serait la numéro 1 des ventes premium aux Etats-Unis. - Frederic J. BROWN / AFP

Avec 145.846 exemplaires de la Model 3 livrées en 2018, Tesla passe devant ses principaux concurrents dans le premium sur le marché américain au dernier trimestre. Une première pour un modèle d'une marque américaine depuis des dizaines d'années, se félicite la marque spécialisée dans l'électrique.

C'est un peu comme si, en France, DS, marque premium du groupe PSA, se payait le luxe de titiller Mercedes, BMW et Audi. Au dernier trimestre aux Etats-Unis, Tesla aurait été proche de vendre davantage de voitures que ses concurrents dans le premium. C'est ce qu'affirme en effet le cabinet Atherton Research dans un article publié par Forbes. Une chose est sûre, il a surtout vendu plus de voitures que les Allemands dans la catégorie reine du premium: les berlines. 

La Model 3 devant les berlines allemandes

Tesla vient en effet de dresser un premier bilan de son quatrième trimestre et de l'ensemble de 2018. Dans un communiqué, la marque américaine explique avoir encore accéléré sa production et ses livraisons au cours des trois derniers mois de l'année, notamment pour satisfaire les 400.000 commandes de Model 3. Elon Musk a réussi son pari. Avec 145.846 exemplaires produits l'année dernière, la marque californienne se paye le luxe de vendre plus de Model 3 que les Allemands de Série 3, Classe C, ou encore Audi A4. Une première pour une marque américaine "depuis des décennies", se félicite Tesla.

Dans le détail, la production 2018 se décompose en 145.846 Model 3 et 99.394 Model S et X. L'an dernier, Tesla a donc livré deux fois plus de voitures qu'en 2017, dans un contexte agité, entre problèmes de production et frasques de son patron star (mentions spéciales au "projet" de retrait de la cote et au joint fumé en direct sur YouTube). 245.240 véhicules sont au total sortis de l'usine de Fremont (Californie), ce qui représente à peu de choses près sa production cumulée de toutes les années précédentes de sa relativement courte existence. Si on peut juger négligeable la quantité de Roadster de première génération produits à partir de 2008, la production de sa berline Model S avait, elle, démarré à Fremont en 2012. De quoi se rendre compte du chemin parcouru.

Coïncidence des temps, alors que Tesla met en avant son succès, Donald Trump ne s'est pas encore réjoui de ce moment de fierté nationale, lui qui condamnait récemment le virage vers le 100% électrique de General Motors. La nouvelle de cette victoire américaine dans le premium devrait pourtant ravir un président américain qui a déclaré la guerre aux marques étrangères et en particulier allemandes, comme BMW, Mercedes ou Audi.

Un succès à nuancer

Si la performance commerciale de la Model 3 s'avère notable, elle reste à nuancer. Le défi industriel s'est certes révélé plus complexe que prévu, les centaines de milliers de commandes accumulées depuis près de trois ans place la marque en position de force, avec une demande logiquement gonflée avant de pouvoir la satisfaire.

Toujours critiqué sur sa qualité de finition et les équipements proposés par rapport à ses concurrents, Tesla peut-il vraiment être considéré comme un constructeur premium? Les paris sur l'ergonomie à bord ou sur la conduite autonome donnent bien des véhicules à la pointe sur différents aspects mais certains utilisateurs réclament par exemple un affichage tête haute, désormais proposé même par des marques généralistes, ou plus de confort. Des clients qui pourraient bientôt se tourner vers l'offre 100% électrique naissante des constructeurs "vraiment" premium.

Même si une version à 45.000 dollars (39.300 euros) est proposée depuis octobre dernier aux Etats-Unis, la Model 3 s'était vendue jusqu'ici avec un prix de départ à 55.000 dollars (environ 48.000 euros). La berline compacte se révèle ainsi une voiture "premium" par son niveau de prix. Un point à souligner tant Tesla a insisté depuis longtemps sur son objectif de proposer un véhicule électrique "abordable". A l'origine, les modèles plus luxueux, la berline Model S et le SUV Model X, devaient en quelques sortes financer cette mise à la portée du plus grand nombre du zéro émission. Finalement, il faudra aussi d'abord vendre des Model 3 haut de gamme avant de voir apparaître celle à 35.000 dollars. Tesla précise d'ailleurs que les trois quarts des commandes enregistrées au quatrième trimestre proviennent de nouveaux clients, ce qui peut laisser supposer que les détenteurs d'une réservation attendent bien une Model 3 moins chère.

D'importants défis à venir

L'année qui vient de débuter s'annonce donc encore semée d'embûches pour Tesla. Les premiers vents contraires n'ont d'ailleurs pas tardé à poindre en 2019. Wall Street a en effet réservé un accueil plutôt glacial aux résultats plutôt positifs communiqués par Tesla, avec un cours en baisse de 6,8% ce mercredi 2 janvier. Parmi les raisons évoquées par les analystes, un objectif de production frôlé mais pas atteint et la baisse de prix pratiquée par Tesla pour compenser la réduction de moitié de la subvention fédérale accordée aux acheteurs de véhicules électriques aux Etats-Unis. Cette dernière vient en effet de passer de 7500 à 3750 dollars.

Les premières livraisons de Model 3 en Europe et en Chine à partir de février s'annoncent aussi comme un défi important pour Tesla, en particulier sur le plan logistique. Ces marchés automobiles de première importance représentent aussi un levier important pour soutenir les ventes et prendre d'une certaine manière le relais du marché américain. 

L'Europe représente un enjeu de première importance avec un marché du premium deux fois plus important qu'aux Etats-Unis, estimait récemment un analyste de Morgan Stanley. En Chine, au-delà des livraisons de la Model 3, les regards seront tournés vers Shanghai ou le projet de construction d'une usine d'assemblage s'est accélérée ces derniers mois. Tesla affiche son ambition de démarrer sa première production automobile hors des Etats-Unis dès la seconde moitié de cette année. La présentation de ses prochains modèles, un "petit" SUV, un pick-up et un Roadster nouvelle génération, est aussi très attendue. 

Des perspectives qui pourraient faire de Tesla un des rares constructeurs automobiles à voir ses revenus progresser en 2019 et 2020, dans un contexte de ralentissement du marché automobile mondial. Reste à savoir comment évoluera la guerre commerciale entre les Etats-Unis et la Chine, dont Apple a déjà fait les frais, et comment la marque d'Elon Musk pourra continuer à séduire de nouveaux clients avec de nombreux modèles concurrents prêts à sortir ces prochaines années.

Julien Bonnet