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Edouard Philippe suspend pour 6 mois les modalités du nouveau contrôle technique

Pour apaiser la colère des gilets jaunes, le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé une série de mesures ce mardi, dont la suspension des nouvelles modalités du contrôle technique, ainsi qu'un moratoire sur les hausses de taxes.

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Le Premier ministre Edouard Philippe a annoncé ce mardi différentes mesures "dans un souci d’apaisement", dont la suspension des nouvelles modalités du contrôle technique.

"J’ai entendu l’inquiétude sur les modalités du contrôle technique, qui le compliquent et le rendent plus cher. Je suspends cette mesure pour une durée de six mois, pour trouver les justes adaptations", a expliqué Edouard Philippe.

Un contrôle technique pour lutter contre la pollution

Le contrôle technique avait été durci une première fois le 20 mai, avec plus de points de contrôle et la mise en place de défaillance critique. Au 1er janvier 2019, un nouveau durcissement devait entrer en vigueur, renforçant la lutte contre la pollution des véhicules diesel. L'objectif était de sortir du parc les véhicules les plus polluants. 

Au 1er janvier, l'opacité des fumées qui sortent du pot d'échappement devait en effet être mesurée avec plus de sévérité. Le but était notamment de traquer les véhicules diesel qui émettent le plus de particules, et en particulier les particules fines, par exemple avec un filtre à particules défaillant ou manquant. Le contrôleur technique devait effectuer au total 7 mesures à plein régime, en accélérant fortement.

Les professionnels craignaient cependant que les vieux diesel ne soient pas les seuls à être mis en contre-visite. Les modèles récentes (Euro 5 à partir de 2011, et Euro 6 à partir de 2014) auraient aussi pu se retrouver en contre-visite, surtout pour les modèles qui roulent peu et sont donc encrassés. Or, les systèmes de dépollution et organes moteur sont très onéreux à remplacer. Comptez jusqu'à 1.600 euros pour un filtre à particules, plus de 2.000 euros pour un turbo.

Des professionnels très mitigés par cette suspension

Suite à ces annonces, les gilets jaunes ne semblent cependant pas vouloir renoncer à leur mouvement. "Les actions vont continuer. Globalement rien ne change", a dit Laure, une manifestante à Bordeaux (Gironde). Les professionnels du contrôle technique se montrent eux très mitigés sur la suspension de la nouvelle mesure au 1er janvier.

"Sans même une concertation avec les acteurs du contrôle technique? On rêve !", s’indigne sur Twitter Xavier Horent, directeur général du Conseil National des Professionnels de l’Automobile.

Bernard Bourrier, président d’AutoVision, et lui aussi membre du CNPA, confirme: "Il est dommage qu’on se serve d’un métier comme variable d’ajustement politique. Je le rappelle, un véhicule correctement entretenu n’a aucune difficulté au contrôle technique. Il coûte surtout moins cher d’entretenir son véhicule que d’avoir une casse. Le contrôle technique coûte 70 euros pour 2 ans ce n’est rien".

Les professionnels ont investi ces derniers mois aussi bien en formation qu’en matériel. Les boîtiers utilisés pour le nouveau contrôle valent entre 5 et 7.000 euros. "Cette suspension peut nous permettre de travailler plus sereinement, de regarder ce qui se passe ailleurs en Europe, tempère Laurent Palmier, PDG de Securitest, une société qui fait passer le contrôle technique. Sinon, ce sont nos contrôleurs qui auraient dû expliquer en janvier aux clients pourquoi leur voiture récente part en contre-visite".

Le diesel au coeur du contrôle technique de janvier

"Nous avons testé plusieurs véhicules aujourd’hui avec le nouveau protocole, ils sont passés sans souci, les plus récents comme les plus anciens, confie Fabrice Godefroy, président de l’Association des Diésélistes de France. Ce report est dommage, car il aurait montré que les diesels récents sont vertueux. En revanche, ce qui est positif, c’est de peut-être éviter d'introduire tout de suite une réglementation discriminante pour les diesels. En effet, les modèles essence ne sont pas contrôlés aussi sévèrement. Or les modèles récents émettent aussi des particules".

"Le durcissement du contrôle technique aurait pourtant bien contribué au renouvellement du parc, si celui-ci avait été sponsorisé par les taxes récupérées sur le carburant, souligne Jonathan Habersztrau, le fondateur et dirigeant de la plateforme controletechniquegratuit.com. Les professionnels auraient été contents. Les particuliers, aussi car cela aurait donné une super prime à la casse. Mais le gouvernement a déjà besoin de ce surcroît de prélèvement pour payer d’autres charges. La transition écologique passe donc après, c’est dommage".

La durée de la suspension de ce nouveau volet du contrôle technique doit durer six mois. La prochaine réforme attendue doit elle se dérouler en 2022, avec le contrôle des oxydes d’azote, ces polluants mis sur le devant de la scène lors du dieselgate de Volkswagen.

Pauline Ducamp