D'où vient le gilet jaune, devenu symbole de contestation?
C'est le vêtement incontournable de cette fin d'année 2018, porté ou posé bien visible derrière son pare-brise: le gilet jaune. Depuis novembre dernier et les premiers rassemblements organisés un peu partout en France, cette veste de sécurité est le dénominateur commun des opposants à la politique d'Emmanuel Macron et de son gouvernement. Mais quelle est l'histoire derrière la nouvelle tenue de rigueur pour exprimer son mécontentement?
Il y a 10 ans, l'obligation de posséder un gilet jaune
Le vêtement de haute visibilité, en tissu synthétique et avec des bandes réfléchissantes, est utilisé dans un premier temps par les professionnels, en particulier sur les chantiers, les sites industriels ou encore les travaux publics. Une norme européenne de 1989 (EN 471) fixe ainsi les règles à respecter pour cet équipement de protection individuelle (EPI).
Mais le gilet jaune acquiert sa popularité auprès du grand public en 2008. Cette année-là, il devient obligatoire de disposer d'un exemplaire à bord de son véhicule, en complément du triangle de pré-signalisation. En cas d'accident, le conducteur doit le revêtir lorsqu'il sort de son véhicule, afin d'être bien visible des autres usagers de la route. En plus du jaune flashy, le gilet dit "de haute visibilité" s'accompagne de bandes réfléchissantes horizontales.
L'obligation de disposer d'un gilet jaune à bord est adoptée il y a près de 10 ans avant le déclenchement du mouvement du même nom. Depuis le 1er octobre 2008, l'absence de cet équipement à bord est passible d'une contravention de quatrième classe (amende forfaitaire de 135 euros, minorée à 90 euros).
Pour sensibiliser le public au respect cette nouvelle mesure, une campagne de communication avait à l'époque marqué les esprits. Elle mettait en scène le couturier Karl Lagerfeld, accompagné du slogan: "C'est jaune, c'est moche, ça ne va avec rien, mais ça peut vous sauver la vie". Pour la petite histoire, le célèbre couturier allemand n'aurait en réalité jamais porté le fameux gilet, il aurait simplement autorisé l'utilisation de son image, modifiée par un logiciel de retouche.
Presque tous les usagers de la route concernés
Depuis 2008 aussi, "les conducteurs et passagers d’un cycle, hors agglomération la nuit et le jour lorsque la visibilité est insuffisante" qui doivent également porter un gilet jaune, précise le site officiel de la sécurité routière. C'est également le cas depuis 2011, pour les "usagers de motocyclette et de tricycle de 125 cm3 et plus" qui peuvent aussi adopter "un blouson portant des bandes rétro-réfléchissantes". Enfin, comme les automobilistes, les conducteurs de deux et trois-roues motorisés doivent depuis 2016 avoir toujours un gilet jaune à disposition pour se signaler en cas de panne ou d'accident.
Un symbole tout trouvé pour une lutte collective
Avec de nombreux ménages équipés du fameux vêtement, pratique et peu coûteux (même s'il a connu une certaine inflation sur les sites de ventes en ligne depuis le début du mouvement), le gilet jaune devient un symbole idéal pour exprimer son mécontentement. Surtout chez les automobilistes très remontés contre la mise en place de la taxe carbone et la hausse du prix des carburants, à l'origine du mouvement qui s'est ensuite étendu à d'autres revendications.
Le gilet jaune a déjà servi comme signe de ralliement pour d'autres manifestations par le passé. En 2014, un article du Parisien se demandait ainsi "Qui sont les gilets jaunes?". À l'époque, il s'agissait de parents révoltés contre la réforme des rythmes scolaires, menée par le ministre de l'Education Vincent Peillon.
La même année, une manifestation de travailleurs frontaliers à Saint-Louis (Haut-Rhin) avait également choisi ce vêtement commun. Des photos de cette marche ont d'ailleurs ressurgi récemment après la manifestation du 17 novembre 2018 pour illustrer la très grande mobilisation. Mais l'AFP les avait finalement bien identifiées comme plus anciennes.
Pour le mouvement version 2018, c'est un utilisateur de Facebook, Ghislain Coutard, qui a lancé l'idée dans une vidéo publiée sur le réseau social le 24 octobre dernier et repérée par Slate, en prévision des premières manifestations du 17 novembre:
"On a tous un gilet jaune dans la bagnole. Foutez-le en évidence sur le tableau de bord, toute la semaine, enfin jusqu’au 17. Un petit code couleur pour montrer que vous êtes d’accord avec nous, avec le mouvement, et qui est chaud, qui est pas chaud", expliquait-il.
Plus de 5 millions de vues plus tard, le gilet jaune passe du pare-brise aux épaules des manifestants. Il devient ainsi rapidement le vêtement officiel des sympathisants du mouvement, à qui il donnera finalement son nom.
Ce symbole de lutte, avec "des oubliés devenus bien visibles", a même démarré son exportation dans différents pays. En écho au mouvement français, des manifestants ont choisi de le revêtir en Belgique, aux Pays-Bas, en Bulgarie, en Serbie. A Londres, des pro-Brexit l'ont également adopté. Encore plus loin, l'Egypte a même interdit la vente de gilets jaunes jusqu'à fin janvier, craignant une contagion de la contestation.
En Irak, à Bassorah, un mouvement des gilets jaunes est également apparu. Mais, comme le souligne Courrier International, la presse locale s'est un peu emmêlée les pinceaux en évoquant une reproduction du phénomène français. Faux, répond un militant: "Nous sommes les premiers à en avoir arboré, dès 2015, quand nous voulions signifier que nous étions des éboueurs venus pour enlever les détritus politiques.”