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Confinement: pourquoi les "grands excès de vitesse" n'ont pas tant augmenté que ça

Un contrôle de vitesse pendant le confinement, mais ont-ils tant augmenté comme l'indique le ministère de l'Intérieur?

Un contrôle de vitesse pendant le confinement, mais ont-ils tant augmenté comme l'indique le ministère de l'Intérieur? - Gendarmerie - Facebook

Le ministère de l'Intérieur relève "une hausse de 16% des délits de grands excès de vitesse" depuis le début du confinement. Cela représente 18 infractions de plus qu'en temps normal, signale la Ligue de Défense des Conducteurs qui dénonce une "communication sournoise du gouvernement".

Une hausse des grands excès de vitesse, avec des conducteurs irresponsables qui profitent des routes désertés pendant le confinement pour jouer les pilotes, c'est en résumé le tableau que dressait Laurent Nuñez vendredi dernier.

Mystérieux pourcentage

Les "délits routiers de grand excès de vitesse" auraient ainsi augmenté de 16% depuis la mi-mars, indiquait le secrétaire d’Etat auprès du ministre de l’Intérieur au micro de RTL. Un chiffre choc qui fait suite à plusieurs signalements par les forces de l'ordre d'interpellations d'automobilistes qui dépassaient largement les limites de vitesse.

Mais que représente réellement ce chiffre de 16% d'augmentation des délits grand excès de vitesse? C'est la question que s'est posée la Ligue de Défense des Conducteurs.

Un automobiliste de plus en délit de grand excès?

Premier constat dressé par l'association, Laurent Nuñez confond a priori "grand excès de vitesse" et "délit de grand excès de vitesse". La première notion traduit un mesure de la vitesse du véhicule à au moins 50 km/h au-dessus de la limitation alors que la deuxième induit une récidive dans les trois ans et expose à des sanctions encore plus lourdes.

Si on reprend cette deuxième définition, en 2018, dernier bilan de la sécurité routière disponible actuellement, 75 automobilistes ont commis ce "délit de grand excès de vitesse". Un chiffre assez faible (et heureusement) que la Ligue de Défense des Conducteurs a rapporté à la période de confinement et à cette hausse de 16%:

"En rapportant ce nombre de 75 récidivistes aux quinze premiers jours du confinement, on parlerait donc ici de moins de 4 personnes contrôlées sur la période, au lieu d’un peu plus de… 3 en 2018. Visiblement, il y a erreur."

On conviendra que pour réussir son effet d'annonce concernant la mise en place de contrôles renforcés avant les départs en vacances, il faut plutôt évoquer une hausse de 16% qu'un seul automobiliste de plus pris en flagrant-délit de conduite bien au-dessus des limites.

Ou 18 de plus par jour?

Deuxième hypothèse: Laurent Nuñez a mélangé "délit de grand excès de vitesse", la récidive donc, avec le "grand excès de vitesse", commis pour la première fois en trois ans par un même conducteur. Mais même avec un nombre d'automobilistes concernés bien plus important, le résultat n'est toujours pas vraiment impressionnant.

Toujours d'après le bilan 2018 de la sécurité routière: "37 888 automobilistes ont été verbalisés pour cette raison (23 234 par contrôle automatisé, 14 628 par les forces de l’ordre elles-mêmes)", indique la Ligue de Défense des Conducteurs, soulignant que cela représente 0,26% du total des infractions à la vitesse. Un chiffre "à comparer aux 71,4 % des seuls excès détectés par contrôle automatisé, inférieurs à 20 km/h, pour une vitesse maximale autorisée supérieure à 50 km/h". Par jour, en moyenne en 2018, 113 automobilistes étaient verbalisés pour ce motif.

Rapportée à la période de confinement, cela donnerait 1830 "contrôlés" sur la période, soit 250 en plus qu’en temps "normal". Par jour, les 16% de hausse se traduisent donc par 18 automobilistes attrapés en plus, 131 verbalisations au lieu de 113. 

"Communication sournoise"

"Voilà qui fait beaucoup de bruit pour rien", souligne l'association, avant de conclure:

"La Ligue de Défense des Conducteurs prône avant tout une conduite responsable. Il ne s’agit donc pas ici d’encourager qui que ce soit à rouler trop vite, mais de montrer la communication sournoise du gouvernement, qui profite des circonstances actuelles pour continuer à stigmatiser les automobilistes, en les pointant tous du doigt comme autant d’éternels mauvais élèves."

Nous avons transmis ce communiqué et les chiffres mis en avant au ministère de l'Intérieur qui n'a pour l'instant pas donné suite.

Il faut souligner que le secrétaire d'Etat mettait aussi cette hausse de 16% en rapport avec la baisse impressionnante du trafic automobile. Mais impossible de savoir s'il y a finalement eu réellement plus d'infractions si dans le même temps les opérations de contrôles routiers se sont intensifiées.

Julien Bonnet