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Circulation différenciée: est-ce efficace pour faire baisser la pollution?

Le dispositif durci de circulation différenciée sera de nouveau en vigueur ce mardi à Paris et en petite couronne afin de lutter contre la pollution à l’ozone due à la canicule. Mais est-elle réellement efficace pour faire baisser la pollution?

Le nouveau dispositif de la circulation différenciée est de nouveau mis en place ce mardi en Ile-de-France. Mais son effectivité sur le terrain, comme son efficacité sur la pollution, posent déjà question, notamment et égard au dernier épisode de pollution à l'ozone fin juin.

Un dispositif désormais déclenché immédiatement

"Malheureusement, on prend toujours ces mesures à la dernière minute et on aurait pu anticiper tout ça", réagissait le 26 juin juin sur BFM Paris Fatoumata Koné. La vice-présidente du groupe écologiste au Conseil de Paris s'éteint plaint d'un déclenchement trop tardif de la circulation différenciée. Le nombre de kilomètres de bouchons enregistrés ce mercredi là en Ile-de-France semblait lui donner raison. La région comptait 360 kilomètres de bouchons, un trafic jugé "exceptionnel pour cette heure-ci", par Sytadin.

Conséquence de ce trafic chargé malgré la circulation différenciée, les derniers chiffres donnés par Prev’Air annonçaient alors toujours des taux d’ozone élevés sur la France, notamment dans la grande moitié Est du pays. "Ces conditions devraient sévir jusqu’au week-end prochain, avec maintien des concentrations d’ozone à des niveaux élevés", peut-on ainsi lire dans le dernier communiqué Prev’Air. 

Pour cette nouvelle alerte, la circulation a été déclenchée automatiquement, en particulier dans une période de trafic un peu moins dense en cette période. D'où peut-être plus d'efficacité.

"Des marges de progrès très limitées"

"Les marges de progrès sur la vague de pollution sont très limitées, expliquait notre consultant environnement BFMTV, Jean-Louis Caffier. Cela va seulement atténuer l’augmentation de la pollution. On limite les dégâts. Je ne dis pas que cela ne reste pas utile au niveau de la santé. Mais nous sommes loin des gros enjeux: quel avenir pour la mobilité, quel avenir pour la ville, quel urbanisme pour le XXIe siècle?".

Et même réaction du côté des experts santé, les incertitudes planent. "Cela reste de l’homéopathie, nous explique Gilles Dixsaut, médecin spécialiste en pneumologie à l'APHP. Pour vraiment supprimer le problème, il faudrait supprimer tous les diesels. Sans cela, le problème de la pollution à l’ozone ne sera pas réglé". La pollution à l’ozone se forme en effet suite à une réaction chimique entre les oxydes d’azote, produits notamment par les véhicules diesel, et les ultraviolets du soleil.

Une réforme de la circulation différenciée pour plus d’efficacité

"Dès qu’il y a un pic de pollution, on ne peut pas taper uniquement sur l’automobile, surtout en ne proposant aucune alternative", s’indigne Fabrice Godefroy, directeur général du groupement Alternative Autoparts, spécialiste de l'après-vente automobile.

Le ministre de la Transition écologique et solidaire François de Rugy a lui défendu le nouveau dispositif sur notre antenne:

"Nous avons travaillé dessus pour le rendre plus efficace, justement par rapport au dernier épisode de pollution, soutient François de Rugy. Au mois de février, on nous a reprochés d’avoir été trop lent, et donc d’avoir pris des mesures inefficaces. C’est une question de santé humaine, nous prenons des mesures exceptionnelles pour une situation exceptionnelle".

L’hiver dernier, la mise en place de la circulation différenciée avait fait suite à un épisode aux particules fines et à l’ozone. Les conclusions d’Airparif mettent en lumière l’importance de la météo.

"En fonction des conditions météorologiques et de la part des émissions liées au trafic routier, l’efficacité d’une circulation alternée est plus ou moins grande. Toutes les conditions météorologiques ne sont pas propices à la mise en place d’une telle mesure. Les meilleurs résultats peuvent être attendus lorsqu’il y a un anticyclone, peu de vent et une forte inversion de température", écrivait alors Airparif, en conclusion de cet épisode de pollution. 

Une approche plus large que les mesures d’urgence

La Préfecture de police a elle reconduit pour jeudi le dispositif de la circulation différenciée en Ile-de-France. Au-delà de cette mesure d’urgence, certains élus demandent eux une réflexion plus globale sur la gestion de la pollution et la lutte contre le changement climatique.

"La véritable solution pérenne passe par l'aménagement durable des territoires. Il faut faire venir les entreprises dans les zones qui en sont dépourvues, notamment en Seine-et-Marne pour éviter aux habitants de faire de longs trajets, écrit ainsi dans un communiqué Patrick Septiers, Président du Département de Seine-et-Marne. Il demande aux pouvoirs publics "un Grenelle de l'aménagement des territoires", rappelant que "l'Île-de-France souffre en effet d'un déséquilibre entre l'Ouest où sont implantées les entreprises et l'Est où les gens se logent".

"Il faut de la citoyenneté, de la solidarité et c’est inquiétant quand on réfléchit à tout ce qu’on doit faire pour la transition écologique. Or, les autorités s’y sont très mal pris, comme pour la taxe carbone il y a 6 mois, résume notre consultant environnement Jean-Louis Caffier. Si on veut que les changements soient acceptés, il faut des alternatives, de l’anticipation, des explications, et encore des explications pour entraîner tout le monde dans le mouvement. Là on a pris une autre méthode et c’est embêtant".

Pauline Ducamp