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Ces signaux qui inquiètent l'industrie automobile

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Baisse des immatriculations des grands marchés, dont la Chine, investissements colossaux, incertitudes sur les préférences des consommateurs, l’automobile entre dans une période diablement incertaine.

12.500 suppressions de postes chez Nissan, une baisse de 28% de la demande d’Aston Martin en Europe, les premières pertes depuis dix ans annoncées chez Daimler, pourtant leader du premium, l’automobile décélère fortement depuis janvier.

"Les dix années de croissance exceptionnelle qu’a connu le secteur automobile sont désormais dernière nous, nous explique Flavien Neuvy, président de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile. Cette croissance, de 60 millions de voitures vendues dans le monde en 2009, au plus bas de la crise, à 95 millions, fût exceptionnelle pour une industrie lourde. Désormais, si le secteur ne va pas vers une crise majeure, il va connaître un ralentissement des ventes".

Plusieurs facteurs expliquent "ce saut dans l’inconnu", comme l’appelle dans Le Monde Laurent Petizon, directeur général au cabinet AlixPartners, que réalise actuellement l’industrie automobile mondiale.

  • Un marché chinois qui tousse

Quand le premier marché automobile de la planète ralentit, c’est toute l’automobile qui freine. Et en premier lieu, les marques premium allemandes, dont la production a reculé de 17% depuis 2017.

"Les immatriculations mondiales ont violemment décroché, notamment dans les pays émergents, c’est le cas de la Chine, mais aussi de l’Inde. Dans ces pays, la voiture est le marqueur de l’émergence de la classe moyenne, une classe moyenne dont l’essor est aujourd’hui bien plus chaotique qu’anticipée", expliquait mi-juillet Alexandre Mirlicourtois, directeur de la conjoncture et de la prévision de Xerfi.

Pour les généralistes, le relais de croissance chinois est aussi passé: les ventes de PSA y ont par exemple reculé de 60% au 1er semestre. Si le taux d’équipement n’est que de 130 véhicules pour 1000 habitants, contre 600 en Europe, selon des données de l’équipementier Faurecia, les incertitudes sur la réglementation sur les voitures électriques, et la pollution, ou encore la limitation des immatriculations dans les grandes villes, minent le marché chinois depuis le début de l’année.

  • Une stagnation également en Europe et aux Etats-Unis

Et en dehors de la Chine, difficile de trouver d’autres relais de croissance. Tous les grands marchés mondiaux ralentissent en effet : les immatriculations ont reculé de 3,1% en Europe au premier semestre. Le marché automobile américain stagne depuis le début de l’année, saturé, avec un coût du crédit au plus haut depuis 4 ans. Le tout s’ajoute "à de faibles promotions (...) Donc les consommateurs n'ont aucune raison particulière pour acheter", précise à Reuters Jonathan Smoke, économiste chez Cox Automotive.

  • Que veulent réellement les clients?

A côté de cette demande au ralenti, se pose aussi la question du choix des consommateurs. Et de son adéquation avec les exigences environnementales. Dès 2020 s’appliqueront ainsi en Europe des normes strictes en matière d’émissions de CO2. Avec à la clé un risque de fortes amendes pour les constructeurs. Or, les clients se sont tournés vers l’essence suite au dieselgate et les SUV, plus lourds, les émissions moyennes ont donc grimpé l’an dernier. Ce sont ainsi les SUV qui ont permis à Volkswagen de voir ses profits augmenter de 1,9% au 1er semestre. En revanche, la demande pour les voitures électriques n’est toujours pas là.

  • 225 milliards d’euros d’investissements contraints

C’est pourtant dans cette technologie (et plus globalement dans l’électrification) que les constructeurs vont devoir investir. AlixPartners prévoit d’ici 2025 275 milliards d’euros d’investissement, dont une grande partie pour produire des voitures électriques, hybrides et hybrides rechargeables. D’où la nécessité de nouer des alliances pour supporter les coûts, comme celle annoncée entre Ford et Volkswagen.

Et si certains groupes, comme PSA, ont réalisé de belles marges au 1er semestre, ces bons chiffres pourraient ne pas durer. Pour Pierre-Yves Quemener, analyste chez Mainfirst, PSA n’échappera pas au retournement que vit l’automobile. "Nous verrons les marges diminuer d’ici 2021", explique l’analyste à Reuters. Carlos Tavares en est parfaitement conscient, citant notamment cette semaine, à l’occasion des résultats de PSA, les "tensions géopolitiques, les incertitudes sur le Brexit, et le chaos réglementaire" avec de nouvelles normes considérablement durcies en Europe pour les émissions de CO2 des véhicules.

Pauline Ducamp