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Voitures du futur

Assistants de conduite: des aides... à la distraction?

Un Américain a publié cette vidéo dans laquelle il montre comment il a pu berner l'Autopilot de sa Tesla, en remplacant sa main sur le volant par une simple orange.

Un Américain a publié cette vidéo dans laquelle il montre comment il a pu berner l'Autopilot de sa Tesla, en remplacant sa main sur le volant par une simple orange. - YouTube

Avec des assistants de conduite qui soulagent le conducteur, la sécurité routière américaine s’inquiète. Trop détendu, le conducteur ne serait plus aussi attentif. Aux Etats-Unis, une étude montre par ailleurs que le téléphone, source de distraction, est en réalité loin d’être la première cause d’accidents pour cause d'inattention.

Et si les voitures ultra-connectées étaient finalement plus dangereuses? Nous vous parlons souvent dans nos essais de ces équipements qui font des modèles les plus récents des véhicules dits semi-autonomes. Le tout avec une offre à l’origine réservée au premium, mais qui commence à arriver chez des marques plus généralistes.

Des assistants poussés, mais pas infaillibles

En couplant un suivi des lignes de la route (les roues suivent le tracé de la route) et le régulateur adaptatif (la vitesse du véhicule reste fixée par le conducteur mais elle s’adapte automatiquement en fonction de la voiture qui roule devant), une voiture devient ainsi capable de rouler quasiment toute seule. Surtout dans des environnements assez simples, avec un marquage au sol assez clair, typiquement sur les voies rapides. Malgré ce niveau d’assistance très poussé, le conducteur est toujours tenu de garder ses mains sur le volant. Les marques comme Tesla, Mercedes ou BMW insistent d’ailleurs bien sur ce point. Le système émet ainsi des alertes voire se désactive si le conducteur conduit un peu trop en mode mains libres.

Prévus pour soulager le conducteur, ces systèmes inciteraient finalement trop à de mauvais comportements sur la route. C'est en tout cas la crainte de la NHTSB. La sécurité routière américaine vient ainsi de tirer la sonnette d’alarme, après un grand nombre d’accidents enregistrés par ce type de véhicules ces derniers temps. "Le Conseil national de la sécurité des transports indique que les constructeurs automobiles doivent mieux informer les utilisateurs pour qu’ils utilisent correctement ces assistants", résume le site The Truth about cars.

Tesla, qui avait déjà renforcé son protocole de détection des utilisateurs qui abuseraient de son système Autopilot après un premier mort en 2016, travaillerait sur de nouveaux moyens d’empêcher certaines dérives. Certains utilisateurs avaient par exemple trouvé un moyen de simuler la présence d’une main sur le volant en y accrochant une pince ou en coinçant une simple orange. Même si la marque peut toujours se protéger en indiquant qu’elle prévient bien ses utilisateurs qu’il s’agit d’un assistant, non pas d’une fonction de réelle conduite autonome, et que le conducteur doit donc rester vigilant, elle a souvent été attaquée, en particulier sur l’utilisation ambiguë du nom "Autopilot" (pilote automatique, en français) pour désigner cette fonction.

Surveiller son véhicule plutôt que de le conduire: une fausse bonne idée ?

La question se pose sur l'apparition de comportements potentiellement dangereux, suite à une trop grande confiance dans l'infaillibilité du système. Une étude de l'Université du Michigan de 2010 expliquait ainsi que les conducteurs cessaient d'effectuer la vérification visuelle recommandée lorsque leurs véhicules étaient équipés de détecteurs d'angle mort (un indicateur de danger apparaît dans le rétroviseur si un autre véhicule est présent dans l'angle mort). L'abandon d'un tel geste peut sembler logique lorsqu'on dispose d'une telle fonction, mais elle traduit une réalité: l'homme peut davantage se reposer sur la technologie que sur son propre jugement. Or, la technologie n'est pas infaillible. Un capteur peut tomber en panne alors qu'une vérification visuelle au-dessus de l'épaule reste un moyen efficace de s'assurer que l'angle mort est bien libre.

Cette problématique se pose d'autant plus avec les futurs véhicules 100% autonomes, "ce qui peut être extrêmement dangereux si le système ne fonctionne pas correctement", conclut The Truth About Cars. L'exemple récent de l'accident provoqué par un prototype d'Uber en Californie est ainsi particulièrement parlant. Dans une telle situation, un conducteur aurait très certainement pu empêcher la collision mortelle avec la cycliste alors que la personne derrière le volant n'était pas assez attentive pour réagir à temps.

Rêvasser plus dangereux que le téléphone au volant La technologie n'est pas la seule en cause dans le phénomène de la distraction au volant, loin de là. Pour faire face à une source de distraction comme le téléphone portable, GM et Subaru ont développé une parade. Des caméras peuvent repérer un mouvement de tête suspect du conducteur pour le rappeler à l’ordre, explique The Truth About Cars. Mais cela n’apporte finalement qu’une réponse à une problématique assez précise. Et s’il faut bien sûr sensibiliser le public sur les risques encourus, le téléphone au volant ne serait d’ailleurs qu’une source parmi d’autres d’inattention. Aux Etats-Unis, une étude d’une compagnie d’assurance indiquait ainsi que ce facteur n’était en cause que dans 14% des accidents mortels, note un article de Jalopnik. Dans 61% des cas, le conducteur inattentif "rêvassait", ce qui est un peu plus compliqué à sanctionner que le téléphone au volant!

Julien Bonnet