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Accident de la route: pourquoi les jeunes se tuent de moins en moins au volant

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Si les 18-24 ans restent la catégorie d'âge la plus touchée par la mortalité sur la route, c'est aussi celle qui a enregistré le plus de progrès depuis 30 ans grâce à des nouveaux modes de vie et une conscience accrue du risque liée aux campagnes de prévention.

Ce sont les drames auxquels sont habitués les lecteurs de la presse régionale : les accidents mortels de jeunes en sortant de boîte de nuit. Consommation d'alcool, vitesse excessive, sortie de route... Les rapports de police sont souvent les mêmes. Et si c'est souvent la même dramatique histoire qui est racontée, c'est que c'est cette population-là qui reste la plus touchée par la mortalité routière. Alors que les 18-24 ans ne sont que 8% de la population française, ils représentent 15% des tués sur les routes, selon la Sécurité routière. En 2018, ce sont ainsi 503 jeunes qui ont perdu la vie sur les routes de France et autant de familles endeuillées.

Pourtant la mortalité des jeunes sur la route n'est pas une fatalité. C'est ce que révèlent les données publiées chaque année par la Sécurité Routière. Peu le savent, mais cela fait plusieurs années que le nombre de 18-24 ans tués sur les routes diminue fortement. Si 503 ont perdu la vie en 2018, ils étaient près de deux fois plus en 2007 (981). En proportion de la population, la baisse est aussi très spectaculaire. Sur un million de jeunes, 250 avaient perdu la vie en 2000. Ce taux est tombé à 151 en 2010 et est passé pour la première fois sous les 100 en 2018 (97). 

Et si cette baisse s'accentue, elle n'est pas si récente. "Beaucoup de gens ont l'opinion inverse, mais depuis que je m'intéresse au sujet, j'observe une baisse chez les jeunes, confie Jean-Pascal Assailly, spécialiste des accidents de la route à l'IFSTTAR et auteur du livre Homo Automobilis. En 1989, ils représentaient 25% des tués, aujourd'hui c'est 15%. Idem pour les blessés. Un blessé sur trois était un jeune en 1989, aujourd'hui c'est moins d'un sur quatre."

Deux fois moins de morts au Royaume-Uni qu'en France

Si la mortalité routière a fortement baissé depuis 45 ans en France (le triste record date de 1972 avec 16.545 décès contre 3248 en 2018), celle des jeunes a baissé encore plus vite. Pour quelle raison? Les spécialistes mettent d'abord en avant le caractère systémique. "Toutes les catégories d'âge ont progressé en termes de sécurité routière et les jeunes ont subi cette influence, analyse Jean-Pascal Assailly. Quand vous voyez vos parents mieux se comporter sur la route quand vous êtes enfants, ça va vous influencer à votre tour." 

Autrement dit, il y aurait une culture routière qui se transmettrait de génération en génération. Une culture propre à chaque pays d'ailleurs. Le Royaume-Uni par exemple, qui compte autant d'habitants et de voitures que la France, enregistre aussi deux fois moins de morts chaque année (1700 en 2017 contre 3400 en France). Et si les jeunes Britanniques sont sur-représentés dans les morts routières, leur nombre total est lui aussi deux fois inférieur à celles des morts des jeunes Français. "Les jeunes Anglais sont dans une culture de sécurité routière différente, ils sont influencés par leurs parents et ils reproduisent leur manière de conduire, assure Jean-Pascal Assailly. Depuis quelques années, les Français conduisent mieux, leurs enfants conduisent mieux aussi."

Mais ce n'est pas la seule raison. Un autre changement a eu lieu ces dernières années: le rapport à la voiture. Les jeunes sont les plus concernés par l'exode rural. Ils vont de plus en plus souvent faire des études dans des grandes villes et s'y installent durablement. "Et la voiture en milieu urbain c'est une contrainte, on a du mal à la garer, elle coûte cher tout comme l'essence et les transports en commun se sont fortement développés, détaille Jean-Pascal Assailly. Le résultat c'est que les jeunes ont un rapport moins passionnel à la voiture que les générations précédentes, ils passent leur permis de plus en plus tard et roulent moins vite quand ils ont une voiture."

La boîte de nuit a moins la cote

Des contraintes plus importantes et une conscience du danger plus grande aussi nourrie par les campagnes de prévention de la Sécurité routière. Dès les années 80, la prévention a ciblé les 18-24 ans, la catégorie la plus à risque. Mais c'est le succès des campagnes autour de Sam, le "capitaine de soirée" qui ne boit pas, qui explique les progrès récents. Lancée en 2005, cette campagne a donné plus d'impact aux différentes campagnes existantes en personnalisant le conducteur sobre désigné sous le nom de Sam. "C'est une vraie réussite, constate Jean-Pascal Assailly. Ma génération à moi avait zéro conscience sur le conducteur désigné alors qu'aujourd'hui c'est devenu un très important chez les jeunes." 

D'autant que les lieux de consommation d'alcool ont changé. Le bar urbain qu'on rejoint en transport en commun ou à pied a supplanté la discothèque de campagne dans laquelle on se rendait en voiture. Selon les chiffres de la Sacem recueillis par L'Express, le nombre de discothèques en France est passé de 4000 en 1980 à 2432 aujourd'hui. Et ce sont particulièrement celles situées en milieu rural qui sont le plus touchées, celles justement où on se rendait principalement en voiture. 

Si les nouvelles habitudes de consommation des jeunes ont permis de diminuer leur accidentologie, d'autres en revanche ont pu jouer l'effet inverse. "J'en vois particulièrement deux qui se sont dégradés depuis quelques années: la consommation de cannabis et la distraction avec le téléphone, explique Jean-Pascal Assailly. Ce sont des facteurs à risque pour les années à venir même si il y aussi des raisons d'être optimiste." Et ces raisons concernent la transmission et la culture de la conduite et du risque. Si les générations actuelles de jeunes sont plus prudentes et conduisent mieux, ce sont ces comportements qu'elles transmettront à leurs enfants plus tard. "Si on suit la tendance, c'est sûr que les jeunes se tueront encore moins sur les routes dans 10 ans", conclut Jean-Pascal Assailly.

Frédéric Bianchi
https://twitter.com/FredericBianchi Frédéric Bianchi Journaliste BFM Éco