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200 bornes à l'arrêt: cette décision d'EDF va compliquer la vie des propriétaires de voitures électriques

Près de 70% des bornes de recharge rapide du réseau Corri-Door, géré par la filiale d'EDF Izivia ne fonctionnent plus.

Près de 70% des bornes de recharge rapide du réseau Corri-Door, géré par la filiale d'EDF Izivia ne fonctionnent plus. - Capture d'écran

Le seul réseau de recharge rapide public a fermé près de 70% de ses bornes fin février. Un mauvais coup de pub dans une année cruciale pour la mobilité électrique, mais aussi un signal de la maturité du secteur.

Quatre fois moins de bornes qu’auparavant. Les utilisateurs de ce réseau de recharge rapide géré par Izivia vont devoir à l’avenir brancher ailleurs leurs voitures électriques. Après avoir arrêté 189 des 217 bornes de recharge de son réseau le 7 février suite à des incidents techniques, cette filiale d’EDF a confirmé fin février que ces 189 bornes ne seront pas réactivées.

"Izivia a décidé de ne pas remettre en service les bornes qui ont été arrêtées et dont elle est propriétaire sur le réseau Corri-Door. Et ce de manière définitive", écrit sur son site Izivia. Le courant restera durablement coupé. "Le réseau Corri-Door conservera au total 40 à 50 bornes", précise Izivia. Soit seulement 23% du réseau.

Le seul réseau accessible quelle que soit la marque de la voiture

Or, Corri-Door était le seul réseau de recharge rapide accessible à tous, couvrant les principales autoroutes du territoire français, avec des bornes d’une puissance de 50kW. Contrairement à d’autres réseaux, comme les superchargeurs Tesla, quel que soit le modèle de son véhicule, moyennant un pass avec ou sans abonnement et en payant au temps de recharge, toutes les voitures pouvaient s'y recharger.

"La fermeture d’une grande partie du réseau Corri-Door n’impactera pas trop les usagers dans leur majorité, rassure Cécile Goubet, secrétaire générale de l’association Avere France. Cela ne représente que 200 points de charge sur les 29.000 présents en France. Mais cela pose un problème à court terme, et c’est clairement un coup dur pour les conducteurs de voitures électriques qui empruntent l’autoroute".

Izivia n’a par ailleurs donné aucune date pour le remplacement des bornes défectueuses, car selon le magazine Automobile propre, la filiale d’EDF et le producteur des bornes seraient en conflit. Nous avons contacté Izivia, mais n'avons pas eu de réponse à nos questions. 

La question cruciale de la recharge

Cet arrêt fait tache d’huile car il intervient dans une année charnière pour l’électrique. Pour respecter des normes d’émissions de CO2 très sévères cette année, les constructeurs vont devoir vendre de nombreuses voitures zéro émission. Le marché a décollé un peu artificiellement depuis janvier, avec près de 8% des ventes sur les deux premiers mois, mais les clients restent attentistes.

Dans le dernier baromètre de l’Observatoire Cetelem de l’Automobile datant de décembre 2019, 39% seulement des personnes interrogées se disaient prêtes à acheter une voiture électrique. Cécile Goubet se montre encore une fois rassurante: "Notre pays comptait au total 28.666 points de recharge en décembre, soit un point pour 7,4 véhicules électriques, alors que les recommandations de la Commission européenne sont d’un point pour 10 véhicules". La porte-parole de l'Avere précise de plus que 90% des propriétaires de voitures électriques la rechargent à domicile. 

Sur la recharge rapide, à côté des réseaux propriétaires et réservés à leurs clients comme ceux de Tesla ou Ionity, géré par les marques allemandes et Ford, des groupes pétroliers comme Total ou des sociétés d’autoroute prévoient aussi à terme l’installation de bornes de recharge rapide sur autoroute. Mais ces problèmes sur le réseau Corri-Door en soulèvent d’autres, pour certains experts.

"Il existe un vrai public pour la mobilité électrique, nous explique Luis Le Moyne, enseignant à l’Institut Supérieur de l’Automobile et des Transports de l’Université de Bourgogne. Ce public est convaincu par ce modèle, il est prêt à payer plus cher, pour avoir plus de bornes. Mais une autre frange de la population évoquera ces motifs de prix ou de panne pour ne pas basculer dans la mobilité électrique".

"Une économie de marché réelle"

Pour ce chercheur, les décisions d’Izivia comme la hausse des tarifs décidée il y a quelques semaines chez Ionity montrent que l’éco-système de la voiture électrique arrive à maturité et ne peut plus vivre qu’avec des subventions. Les utilisateurs vont devoir payer pour l’infrastructure à développer, même si celle-ci ne sert qu'avec parcimonie. Peut-être d'ailleurs car elle ne sert qu'avec parcimonie.

Selon une étude d’Alix Partners datée de 2018, citée par Challenges, le taux d’utilisation d’une borne publique n’est que de 12%. Certes ce chiffre a deux ans, soit des années-lumière en matière de mobilité électrique. "C’est une économie de marché réelle désormais, plus un mirage écolo", poursuit Luis Le Moyne. Les différents choix d'affiliation entre Tesla, Ionity, ou de futurs réseaux développés montrent une concurrence en train de naître. Le kWh risque parfois d’être aussi cher que le litre de sans-plomb 95. A moins que le véritable utilisateur de voiture électrique ne soit pas sur les autoroutes.

"Les bornes rapides sur les autoroutes n’ont pas encore de business-model, n’en auront peut-être jamais, résume Nicolas Meilhan, expert voitures électriques chez EV-Volumes. Le seul moyen de rentabiliser les investissements est d’avoir un prix de l’électricité supérieure à celui de l’essence. La voiture électrique à batterie n’est pas faite pour de longues distances".

Pauline Ducamp