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Une virée dans le studio secret ou la Ford GT est née

La GT avait crée la sensation en 2015 au Salon de Détroit. Un an plus tard, l'heure est enfin arrivée pour le bijou signé Ford de sortir des usines de Dearborn.

La GT avait crée la sensation en 2015 au Salon de Détroit. Un an plus tard, l'heure est enfin arrivée pour le bijou signé Ford de sortir des usines de Dearborn. - Top Gear

Jack Rix de topgear.com a pu visiter le labo secret où la Ford GT a été imaginée. Une immersion rare dans l'antre des ingénieurs passionnés de Ford, dans le Michigan (Etats-Unis).

“Ce n’est pas un magnifique studio de designer. Un de ces endroits géniaux avec des baies vitrées et des fleurs. C’est sombre. C’est peu confortable. Quand il pleut, on est inondés". Ces mots sont de Chris Svensson, le directeur du design chez Ford en Amérique. Difficile d’imaginer qu’une voiture d’une telle beauté puisse sortir d’un tel endroit! C’est pourtant bien un chef-d’œuvre, présenté au salon automobile de Détroit en janvier 2015, qui est né dans ces ateliers. Un an plus tard, nous avons réussi à accéder à cette grotte humide qui fait office de QG des designers de Ford à Dearborn dans le Michigan, en banlieue de Détroit.

Seulement douze personnes

"C’était un projet top secret. Peu d’entre nous y ont eu accès et nous avions l’interdiction d’en parler. Du coup, on s’est créé un petit espace en dehors du vrai studio de design", nous dit Svensson. "Une douzaine de personnes, pas plus, dont quelques-uns de nos meilleurs ingénieurs avaient accès à cette pièce. On l’a fait à l’ancienne, chacun avait sa clé. Et avant de présenter la voiture l’année dernière à Détroit, personne dans ce bâtiment n’avait connaissance de ce secret".

Le studio de création de la Ford GT était situé dans un endroit tenu secret de tous, excepté l'équipe de designers.
Le studio de création de la Ford GT était situé dans un endroit tenu secret de tous, excepté l'équipe de designers. © Top Gear

Imaginez un peu ce que ça devait être de garder un tel secret. Rester bouche cousue face à la presse est une chose. Ne pas tenir au jus le collègue qui mange en face de vous à la pause déjeuner? C’est une autre paire de manche. Mais telles étaient les conditions pour quiconque voulait travailler sur le chantier de la prochaine grande supercar américaine. Beaucoup des designers et des ingénieurs mobilisés avaient d’autres projets en route, si bien que la GT s’est transformée en une expérience chronophage. Les chefs d’équipe se relayaient de huit heures du matin à minuit pour mener à terme l’aventure, dans un laps de temps minuscule. Un exploit. L’investissement en valait la peine: la GT sera disponible à la vente fin 2016, aux environs de 330.000 euros. Autant dire que seule une poignée de chanceux triés sur le volet pourront la mettre dans leur garage.

Au fur et à mesure que l’on s’enfonce dans le studio, nous nous rendons compte qu’effectivement le lieu est lugubre, sans une fenêtre, mais fort heureusement aujourd’hui, les lieux sont secs. Face à nous se tiennent trois prototypes à échelle réelle, alignés sur la largeur de la pièce. Un modèle grandeur nature en argile, le prototype présenté en 2015 à Détroit et un modèle de vérification en aluminium. Les tableaux sont bardés de dessins triés par ordre chronologique. Quelque part, c'est rassurant de voir qu’à notre époque, où l’on ne jure plus que par le digital, les designers prennent toujours soin de dessiner à la main, avec de simples crayons.

Les ingénieurs ont travaillé d'arrache pied pour livrer le modèle final de la Ford GT dans les temps.
Les ingénieurs ont travaillé d'arrache pied pour livrer le modèle final de la Ford GT dans les temps. © Top Gear

Chris passe le relai à Jamal Hameedi, ingénieur en chef pour la performance chez Ford: "Nous avons commencé par nous pencher sur l’efficacité aérodynamique. Pour briller au Mans, c’est toujours la gestion de la portance qui fait la différence. C’est ce qui rend la Ford GT plus spéciale encore que les Ferrari ou les McLaren, la performance en course a été le cœur de l’existence même de ce projet. Par exemple, le choix de notre groupe motopropulseur (moteur et accessoires, transmission, calculateurs, capteurs et actionneurs) était un critère secondaire parce que l’aérodynamisme de la voiture passait en premier. On a d’abord travaillé sur cet aspect, c’est seulement après avoir choisi le moteur Eco boost le plus efficace que nous pouvions trouver en rapport avec le design élaboré".

«Nous n’avons pas inclus d’éléments de confort. D’autres constructeurs offrent des sacs de voyage, voire même des clubs de golf, mais nous n’avions pas envie de ça.»

Les équipes se relayaient de du petit matin jusque tard le soir pour mener à bien le projet.
Les équipes se relayaient de du petit matin jusque tard le soir pour mener à bien le projet. © Top Gear

Il est fascinant de voir de quelle manière les ingénieurs ont dû travailler main dans la main, presque les uns sur les autres, plus que dans n’importe quel autre projet dans l’histoire de Ford. Mais si la GT affiche le niveau de performance que lui prédit le constructeur américain, alors la perfection aura été atteinte par l’équipe. Les renfoncements derrière les portes ont été décidés très tôt, assure Svensson. Le profil de cette voiture est proche sur beaucoup d’aspects des LMP1 (les voitures Le Mans prototype), mais est rare sur des modèles destinés à la route. C’est pourtant la configuration la plus efficace pour faire de l’air son allié. Les ingénieurs ont plus d’un tour dans leur sac: l’air englouti par les énormes évents devant les roues arrière est expulsé entre les feux arrière circulaires, un parfait exemple du mélange réussi entre design et fonctionnalité.

La Ford GT est le supercar le plus attendu de l'année 2016.
La Ford GT est le supercar le plus attendu de l'année 2016. © Top Gear

Bien évidemment, la voiture se devait d’évoquer la GT40, par conséquent, les phares carrés, le pare-brise arrondi et le look des phares étaient des caractéristiques non négociables. "A aucun moment nous n'avons parlé de rétro avec cette voiture. Nous avons discuté des lignes des différentes Ford à travers l’histoire, et comment construire, autour de ces dernières, tout en faisant quelque chose d'inédit, ajoute Svensson. Nous ne voulions surtout pas faire une autre Ferrari, une autre Lamborghini, une autre Mclaren. On se devait de faire notre propre voiture".

L’inconvénient de ce génialissime parti pris dans le design? "Nos objectifs ne prennent pas en compte le stockage. Nous n’avons pas inclus d’éléments de confort. D’autres constructeurs offrent des sacs de voyage, voire même des clubs de golf, mais nous n’avions pas envie de ça".

Le design de la Ford GT est à la hauteur de son moteur : musclé.
Le design de la Ford GT est à la hauteur de son moteur : musclé. © Top Gear

En jetant un coup d’œil au V6 turbo de 3.5 litres, qui dégage 614ch, à travers le verre qui le protège, on remarque qu’il n’y a que très peu d’espace disponible pour plus gros, mais une question se pose: une supercar américaine digne de ce nom ne devrait-il pas toujours avoir un moteur V8? Hameedi n’est pas d’accord. "Les 24 heures du Mans sont une compétition basée sur l’économie d’essence. La puissance réglementaire sur ce genre de courses est de 500ch, ce qui peut facilement être atteint avec un V6, et la technologie Eco-Boost rend la motorisation plus efficace en gestion de carburant. Le rapport masse par chevaux, son centre de gravité, tout est supérieur à ce qu’on aurait obtenu avec un V8. Si d’autres veulent perdre leur temps à ajouter deux cylindres qui ne changeront rien, qu’ils le fassent, mais un V6 nous suffit amplement".

Les petites dimensions de la cabine ont réduit le choix possible de composants choisis, comme l’explique Amko Leenarts designer en chef de l’interieur de la voiture : "C’est la raison pour laquelle nous avons opté pour un écran tactile de 6,5 pouces et un petit volant coupé en haut – pour la visibilité - et en bas parce que sinon vous ne pourriez même pas entrer dans la GT". Il ajoute: "On a ajouté différents modes de conduite : il y a le mode sport, le mode piste, celui spécial pluie et enfin le V-max, pour la grande vitesse. Pour ce dernier, la voiture s’abaisse".

Les ingénieurs de Ford parlent maintenant depuis plus d’une heure, sans filet, sans répéter de texte préparé à l’avance: il transpire d’eux un enthousiasme authentique lorsqu’il s’agit d’évoquer le moindre détail de cette extraordinaire GT. On ressent toute la passion mise en œuvre dans cette petite pièce aux traces de fuite d’eau apparentes. Et pas uniquement en discutant avec l’équipe qui l’a occupée pendant les quinze derniers mois. Cette ardeur émane de chaque dessin, de chaque maquette, de chaque petit détail de la voiture finale. Ce n’était pas le plus beau des endroits, mais quelque chose de magnifique en est sorti.

la rédaction avec topgear.com