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Paris: bataille de chiffres autour de la piétonisation des voies sur berges

Une vue d'artiste de la future voie sur berges piétonne de la rive droite.

Une vue d'artiste de la future voie sur berges piétonne de la rive droite. - Ville de Paris

Alors que Paris Plage a été prolongé jusqu’au 5 septembre, la voie Georges Pompidou de la rive droite ne rouvrira pas à la circulation. Retour sur une piétonisation qui fait polémique.

C’est la deuxième grande étape de la piétonisation des berges de la Seine, dans le centre de Paris. Après le projet de fermeture à la circulation des voies de la rive gauche, lancé en 2010 par l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, c’est au tour de la rive droite d’entamer sa transformation en grande artère réservée aux piétons et cyclistes. Après la fermeture de Paris-Plage, le 4 septembre, et une exposition consacrée à la COP22, la voie Georges Pompidou – entre les tunnels des Tuileries et Henri IV – ne pourra donc plus être empruntée par des engins motorisés.

Une promenade de 3,3 kilomètres

Un projet plus ambitieux que le précédent, avec 3,3 kilomètres en moins pour les automobilistes, contre 2,3 kilomètres lors de la fermeture à la circulation de la voie rive gauche. L’idée est en effet de pouvoir faciliter les trajets à pied ou à vélo entre le bassin de l’Arsenal, près de la place de la Bastille, au Quai du Louvre près du Jardin des Tuileries.

Avec les quais réaménagés de la rive gauche, il sera même possible de poursuivre la promenade jusqu’à la Tour Eiffel. Un projet séduisant mais qui fait grincer des dents, en particulier depuis la publication de l’avis négatif de la commission d’enquête publique.

Les nouvelles voies piétonnes prévues dans le projet
Les nouvelles voies piétonnes prévues dans le projet © Ville de Paris

Quelles conséquences sur la circulation et la qualité de l’air?

La Mairie de Paris compte bien réduire un peu plus la circulation routière dans la capitale. Mais est-ce seulement encore possible? "En vingt ans, un quart du trafic automobile a été supprimé dans Paris intra-Muros", explique ainsi au Parisien le chercheur de l’université de Lille Frédéric Héran.

Avec un effet non négligeable sur la pollution, avec des émissions d’oxyde d’azote réduite de 30% entre 2002 et 2012 selon une étude d’Airparif également citée par le quotidien. Difficile toutefois de déterminer quelle part de cette pollution réduite s’explique réellement par cette politique anti-voiture de la ville de Paris. Entre temps en effet, le renouvellement du parc automobile avec des véhicules moins polluants ou la mise à disposition des véhicules zéro émission en autopartage avec Autolib’ a joué ainsi un rôle dans cette baisse de la pollution constatée à Paris.

Dans son étude d’impact, la commission d’enquête évoque "un effet d’évaporation de la circulation" et explique que "la réduction de capacité routière met chaque usager en situation de réfléchir à ses choix déplacement: se déplacer autrement ou renoncer à certains trajets "moins utiles". Mais en attendant ces changements de comportements, on estime que 43.000 véhicules empruntaient chaque jour cette voie Pompidou. A court terme aux heures de pointe, le trafic se reportera donc davantage sur le quai haut mais aussi sur le Boulevard Saint-Germain et le Pont de la Concorde. 

Problème, le périmètre de l’étude d’impact était limité à seulement quatre arrondissements, alors que d’autres devraient en subir les conséquences. Dans ces conditions, la commission d’enquête a indiqué qu’elle ne pouvait pas établir la réalité de la réduction de la pollution automobile", ce qui explique son avis négatif.

Quel recours possible pour les opposants au projet ?

Malgré l’avis négatif de la commission d’enquête, Anne Hidalgo a en effet prévu de faire valider le projet de piétonisation de la voie Pompidou fin septembre.

La présidente de région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a indiqué au Parisien qu’elle s’opposait à ce "passage en force", mettant en avant "le risque d’aggraver la fracture entre Paris et sa banlieue".

Pour Arnaud Gossement, avocat spécialiste de l’environnement, contacté par BFMTV.com, la Maire de Paris a en effet eu tort de rejeter les conclusions du rapport de la commission d’enquête qui se révèle en outre plutôt favorable à cette décision. "La bonne réaction aurait été de demander de le compléter pour mieux sécuriser le projet avec une enquête complémentaire qui prendrait environ deux mois", explique-t-il. "Les opposants au projet vont désormais pouvoir saisir le tribunal administratif de Paris en mettant en avant cet avis négatif en raison d’une étude incomplète", poursuit Arnaud Gossement.

Alors que les travaux d’aménagement doivent débuter avant la fin de l’année pour une ouverture de la nouvelle voie piétonne au printemps 2017, ce recours ne sera toutefois pas suspensif pour le chantier. "Mais le recours visant à invalider le projet pourrait être validé en six mois", précise l’avocat. Un délai suffisamment court pour finalement forcer la Mairie de Paris à revoir sa copie. 

D’autant que la commission d’enquête qui a réalisé l’étude d’impact est présidée par un juge. Ce qui donnera au tribunal administratif "une présomption favorable de sérieux" à l’étude d’impact que brandiront les opposants au projet.

quels retours d’expérience dans d’autres villes à l’étranger ?

Sur une page dédiée de son site internet, la ville de Paris dresse une liste de pays engagés dans la lutte contre la pollution automobile et évoque le chiffre de "près de 200 villes européennes ont limité l’accès des véhicules polluants". Des exemples qui valent plutôt pour la dernière offensive en date de la ville de Paris contre les véhicules polluants avec l’interdiction de circuler pour les véhicules immatriculés avant 1997 depuis le 1er juillet.

Dans son étude d’impact, la commission d’enquête indique que "la suppression des voies rapides n’engendre pas de dégradation des conditions de circulation au-delà des ajustements de départ". Sont notamment cités, les exemples de grandes métropoles à travers le monde comme San Francisco et New York, où les reports de trafic se sont avérés inférieurs aux prévisions. A Séoul, la diminution du nombre de voitures qui traversent le centre-ville a même amélioré le temps de parcours.

Julien Bonnet