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Fin des voitures essence et diesel en 2040: est-ce réaliste?

"Nous annonçons la fin de la vente de véhicules à essence ou diesel d'ici 2040", a déclaré Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement le 6 juillet.

"Nous annonçons la fin de la vente de véhicules à essence ou diesel d'ici 2040", a déclaré Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement le 6 juillet. - Top Gear - BBC

Alors que le Conseil d’Etat presse le gouvernement de prendre des mesures pour lutter contre la pollution, le plan d’une France 100% électrique en 2040 de Nicolas Hulot soulève pour le moment plus de questions qu'il n'apporte de réponses.

"Nous annonçons la fin de la vente de véhicules à essence ou diesel d'ici 2040", a déclaré Nicolas Hulot, ministre de l’Environnement le 6 juillet. Alors que Volvo a déclaré dans la foulée ne plus vouloir vendre que des modèles hybrides ou électriques dès 2019, et que Tesla a lancé la production de son modèle électrique de grande série, la Model 3, le 7 juillet, ce début d’été semble placé sous le signe de la voiture électrique. Le conseil d’Etat en a remis une couche en demandant au gouvernement de prendre de vraies mesures de lutte contre la pollution ce mercredi. Cependant, passer à une France 100% électrique et hybride soulève de nombreuses questions, sans forcément apporter de réponses.

En 2040, un parc encore en majorité thermique

Si le gouvernement met en application l’interdiction des voitures thermiques en 2040, le parc automobile français continuera en effet lui d’être majoritairement composé de voitures essence comme diesel. 2,015 millions de voitures toutes énergies confondues ont été vendues l’année dernière en France, dont 27 000 voitures électriques et hybrides rechargeables. Cela revient à 1,33% du marché.

Selon une étude de la Plateforme de la filière automobile, leurs ventes pourraient atteindre les 25% du marché, soit environ 500.000 voitures, en 2030. Avec 32 millions de voitures en circulation en France en 2016, le parc restera donc lui à majorité thermique. Et à 2040, peu de prévisions sont disponibles.

La combinaison de plusieurs technologies

Quelles technologies primeront dans 23 ans, c’est l’autre grande question. Si Nicolas Hulot mise tout sur l’électrification, d’autres énergies pourraient aussi émerger.

"Il n’y aura plus de moteur essence et diesel comme nous les connaissons, la plupart des véhicules intégrant une motorisation hybride. Après 2030, en revanche, il est difficile de prévoir avec certitude quelles seront les technologies qui s'imposeront, car en plus des batteries, il faudra aussi compter sur l'hydrogène", rappelle Eudoxe Denis, rapporteur à l’Institut Montaigne.

Le dernier rapport de l’Institut, Quelle place pour la voiture de demain, souligne notamment l’importance de la filière hydrogène en France. Quelle sera la part de cette énergie dans les ventes automobiles en 2040? Difficile à prédire, tandis que le coût d’une voiture à hydrogène est aujourd’hui exorbitant et le réseau de station de recharge inexistant.

"Il est difficile de savoir quelles seront les technologies les plus performantes, ajoute Flavien Neuvy, économiste directeur de l’Observatoire Cetelem de l'Automobile. D’importants progrès auront peut-être été faits, avec des moteurs thermiques qui ne consommeront pratiquement pas". Les constructeurs, car il y va de leur modèle économique notamment, plaident ainsi pour un mix de différentes technologies selon les usages.

Un plan pour les villes?

Observateurs comme constructeurs s’accordent cependant sur les changements d’usage en cours chez les automobilistes. "Le scénario du véhicule électrique est avant tout un scénario urbain, mais au niveau national, le véhicule électrique n’offre pas une autonomie suffisante pour une mobilité nationale, souligne un expert du secteur. Le scénario 2040 laisse 24 ans pour mobiliser les investissements nécessaires". L’un des scénarios crédibles pourrait être des villes où circulent majoritairement des robotaxis électriques, et l’utilisation de modèles hybrides et hybrides rechargeables pour des distances plus longues.

Une centrale nucléaire pour 9 millions de véhicules électriques

Comment recharger tous ces nouveaux véhicules? "Les inquiétudes semblent moins porter sur l’approvisionnement énergétique initial, que sur le réseau de bornes de recharge, souligne Eudoxe Denis. Le sujet se situe plutôt sur les modes de production. Si le pari des renouvelables n’est pas atteint, le problème du CO2 sera transféré sur la production d’énergie".

Les interrogations sur la production électrique se posent au niveau européen, comme en Grande-Bretagne. Selon The Guardian, les prévisions du parc de véhicules électrifiés en 2030 pourraient atteindre 9 millions de véhicules, ce qui entrainerait une hausse de la demande plus importante que la production de la toute nouvelle centrale nucléaire d’Huckley Point. En France, Enedis estime à 5 millions le parc de voitures électriques et hybrides rechargeables en 2030, rapporte La Tribune. Au-delà de cette date, difficile aussi de se projeter.

"La baisse des ventes de véhicules thermiques aura un impact sur les recettes fiscales, ce qui soulève pour l'Etat la question à des recettes fiscales alternatives", poursuit Eudoxe Denis.

Les constructeurs français sont-il prêts? 

PSA comme Renault sont restés assez silencieux après l’annonce de Nicolas Hulot. Les deux groupes travaillent aussi bien sur la dépollution, que sur l’électrification. "Le marché automobile français ne représente que 2 à 3% du marché automobile mondial. Or, la France n’a pas la taille pour imposer des décisions similaires au niveau international, souligne un consultant. Le plan de Nicolas Hulot pourrait dans ce cas, si la France prend seule ces mesures, être négatif pour l’économie. Les constructeurs français devront en outre continuer de produire des véhicules essence et diesel pour d’autres marchés".

Au total, selon des chiffres cités par Le Parisien, l’Agence Internationale de l’Energie recense 13 pays qui auraient pour l’instant envisagé des mesures similaires à celles de Nicolas Hulot. Fin 2016, le conseil fédéral a voté en Allemagne son soutien à la fin de la vente comme de la circulation des voitures thermiques. En Chine, les autorités veulent imposer un quota de production de 8% de voitures électriques minimum dès 2018. La Norvège souhaite elle la vente de véhicules 100% électriques dès 2025.

Pauline Ducamp, avec Top Gear